fjl a écrit:
@Dupleix : Pour sortir du cadre européen, Clinton a également présenté ses excuses au peuple rwandais, je n'ai pas l'impression que cela ait beaucoup coûté à l'image des Etats-Unis.
Aux Etats-Unis, l’exercice reste plus limité. L’acte de Clinton présente de nombreuses différences avec les repentances françaises :
- Les USA ne sont coupables que de ne pas avoir réagi assez vite
- Les excuses sont présentées au nom de la communauté internationale et non des seuls USA
- Elles le sont quelques années après les faits, et non plusieurs décennies/siècles
Tout cela fait qu’on n’est pas du tout dans la même « autoflagellation » que dans les divers cas français.
fjl a écrit:
Néanmoins, il y a certainement une part de vérité dans cet argument de"marque de faiblesse", et il est indéniable que dans la plupart des pays le sentiment national est bien plus fort qu'en Europe occidentale (notamment dans les ex-colonies et ex- semi colonies) d'où un point de vue certainement très différent sur la problématique dont nous parlons.
Mais alors quid de la liberté d'expression, de la liberté de manifester, de l'égalité hommes-femmes, etc. qui doivent apparaître comme autant d'aveux de faiblesse aux yeux de bien des gouvernements de pays étrangers ?
Je ne parlais pas seulement de faiblesse, mais de mépris. Par ailleurs mon raisonnement ne se plaçait pas seulement au niveau des gouvernements, mais des opinions publiques. Voici une anecdote qui m’a donné à réfléchir. En vacances en Turquie, j’ai discuté avec un Turc qui a passé quelque temps en France. Selon lui, en France on était trop laxistes avec les gens qui insultent le pays. Il avait été surpris et offusqué de voir des Français qui dans le métro disaient du mal de la France, et surtout de constater que personne ne réagissait pour les faire taire.
Au-delà de l’anecdote, je ne pense pas que cet homme était un cas isolé, mais plutôt qu’il y avait en Turquie chez une grande partie de la population (celle qui affiche des portraits d’Atatürk et des drapeaux turcs à ses fenêtres) un sentiment national suffisamment fort pour exiger qu’on n’insulte pas la patrie. Et ce, sans que cela remette en cause le principe de liberté d’expression.
Maintenant j’essaie d’imaginer ce que mon interlocuteur turc a pu penser lorsque la France s’accusée elle-même de crimes horribles commis il y a des décennies ou des siècles. Il a dû se dire que nous étions complètement fous. Ou bien il a pu considérer qu’un pays qui a une telle honte de lui-même ne mérite que le mépris.
fjl a écrit: Nous n'avons pas à nous déterminer en fonction de ce que tel ou tel autre gouvernement pense de nos choix dans ces domaines. La réciproque n'est d'ailleurs pas plus vraie.
Je ne suis pas d’accord, car « se déterminer » prend la forme d’actes politiques : discours, lois, résolutions… Et comme tout acte politique il peut avoir un impact sur la politique étrangère. Pour le dire brutalement, je n’attends pas de mon gouvernement ni de mon parlement qu’ils fassent des déclarations de moralité générale, mais qu’ils défendent mes intérêts.
Et bien sûr, quand il s’agit par exemple de légiférer sur le génocide arménien, il me semble au contraire irresponsable de ne pas prendre en compte la réaction des gouvernements et des opinions publiques concernés.
fjl a écrit: @superben : Ton raisonnement se tient si l'on se place au niveau des individus. Mais si l'on se place au niveau des Etats (ou des peuples), la question me paraît plus complexe.
Je pense que le problème se pose plus généralement pour ce qu’on appelle les « personnes morales » : Etats, entreprises, Eglise… Ces institutions ont une existence qui dépasse la durée d’une vie. La question étant : doit-on appliquer à ces personnes morales le même raisonnement qu'à des individus (responsabilité, culpabilité, complicité, etc) ? Je ne sais pas si l'Etat allemand avait été condamné pour les crimes du nazisme. Pour l'Etat français, Chirac a apporté une réponse positive.