Et qu'on peut envoyer des MP si c'est personnel...
La fonction "ignorer" bloque les MP... Bon suite à vos dires j'ai réhabilité temporairement Stépahane dans mes paramétrages pour le lire...
Ah, Averroès biensur...
Là encore les discours actuels sont tellement pré-formatés (notamment dans à son sujet : "enfin un représentant de l'Islam des Lumières, un exemple pour notre société multiculturelle") que l'on en oubli complètement d'analyser son oeuvre sur le fond... On lui fait dire tout et son contraire tant on voudrait pouvoir l'aimer et l'admirer.
Averroès a tenté de rendre compatible Aristote et le Coran.
Mais comme le fait remarquer Sylvain Gougenheim :
De fait, jamais les Arabes musulmans n'apprirent le grec, même Al-Farabi, Avicenne ou Averroès l'ignoraient : peut-être ne jugeaient-ils pas utile d'apprendre cette langue, alors qu'ils étaient détenteurs de la plus belle des langues, celle qui d'une manière inimitable, avait transmis l'éternelle Parole de Dieu. Ils n'abordèrent donc les oeuvres grecques qu'au travers des traductions en arabe effectuées par les chrétiens syriaques, tant et si bien que connaître l'état du savoir syriaque revient à connaître l'héritage dont les musulsmans se sont trouvés dotés. Les chrétiens syriaques, nestoriens ou monphysites, furent donc à la source de la culture écrite arabo-musulmane. et d'ajouter sur Averroès :
Averroès n'était pas plus le penseur athée ou agnostique que l'esprit tolérant qu'on imagine de nos jours (...) C'est comme juriste qu'il prêcha le jihad contre les chrétiens à la grande mosquée de Cordoue et c'est en utilisant toutes les ressources du droit qu'il rapelle aux musulmans leur obligation de partir en guerre contre les chrétiens. Son attitude était alors conforme à ce qu'il écrivait du jihad par ailleurs. Ainsi dit-il dans son commentaire du la République de Platon : "Il y a deux chemins vers Dieu : le premier passe par le discours, le second par la guerre ", où l'on retrouve l'inspiration de plusieurs versets coraniques. Il a certes cherché à concilier la révélation coranique et la pratique de la raison, mais entendait préotéger ladite révélation des critiques de la seconde. Il lui importait de montrer la supériorité du Coran sur la raison, celle-ci ne pouvant en entamer ni la nature de livre incrée et éternel, ni le contenu - la Vérité suprême. Des penseurs chrétiens, comme Saint Thomas d'Aquin, se sont d'ailleurs elevés contre son "détournement" des doctrines d'Aristote. On peut le lire dans la présentation résumée d'un de ses ouvrages :
Quand, en 1270, Thomas d'Aquin rédige le "De l'unité de l'intellect", il lui reste à peine quatre ans à vivre. C'est une oeuvre de combat qui engage une bataille dont le Moyen Age lui-même ne verra pas la fin : la lutte contre l'averroïsme. Depuis trois ans, Bonaventure tonne contre les philosophes de la faculté des arts. L'ancien maître de Thomas, Albert le Grand, entre en lice. Il sera bientôt rejoint par l'évêque de Paris, Etienne Tempier. Pourquoi cette agitation ? Thomas lui-même nous répond : une erreur a envahi l'université parisienne - il faut la réfuter. Son auteur ? Averroès. Ses partisans ? des chrétiens latins qui font profession d'ignorer leur christianisme et de mépriser leur latinité. En un mot : des averroïstes. Quelle erreur ? l'unité de l'intellect et l'affirmation, fascinante mais paradoxale, que l'homme ne pense pas. C'est contre cette thèse redoutable et contre ceux qui s'en font les défenseurs tel Siger de Brabant, que Thomas part en guerre, tentant de déconstruire l'averroïsme en reconstruisant Aristote. Ce faisant, il livre l'une des oeuvres majeures de la philosophie occidentale, un modèle d'exégèse et d'argumentation. Mais il est bien plus prudent de citer Averroès que Saint thomas d'Aquin pour passer de nos jours pour un intellectuel ouvert ou pour évoquer Aristote...
Bref, quand je faisais ma comparaison sur l'héritage du monde antique, je jugeais le "résultat final" (jusqu'à aujourd'hui). Force est de constater que l'histoire du Christianisme a vu, du concile de Nicée, en passant par celui de Trente, et jusqu'à celui de Vatican II, toujours les courant les plus ouverts et les plus libéraux triompher dans l'Eglise (comme le faisait remarquer je ne sais plus qui plus haut : l'Eglise était si vaste au Moyen Âge qu'elle comprennait des gens magnifiques comme d'autres des plus médiocres). C'est cette ouverture qui justement explique le succès et le dynamisme de la chrétienté occidentale du moyen âge aux temps modernes et son ancrage dans l'héritage des penseurs antiques, Grecs et Latins.
A l'inverse, l'Islam, dès qu'il est devenu la force majoritaire dans ses zones d'influences, a toujours vu ses courants les plus radicaux triompher (en Espagne comme ailleurs, avec les Almoavides et les Almohades). L'âge d'or d'un Islam ouvert (ie minoritaire même dans les pays sous sa coupe) n'a duré qu'un siècle ou deux, cette paraenthèse a ensuite été définitivement refermée. Le pauvre Averroès, si brillant qu'il ait pu être, fait parti du camp des vaincus dans l'histoire de l'Islam. Et cela se vérifie jusqu'à aujourd'hui.
Mon propos a-t-il assez de tenue, de références et de retenue pour que l'on puisse parler d'une relance positive du débat ?