A relire les différentes sources je n'ai pas le sentiment qu'Hannibal envisageait le sacrifice de ses ailes (et donc les auraient laissé sans la protection des éléphants et aucune réserve surveillant ses arrières), les numides ne rompent aussi vite devant l'opportunisme de Masinissa que parce qu'ils sont déjà désorganisés par le
"recul" des éléphants de l'aile gauche (polybe, appien)
Ce choix de sacrifier aurait été passablement risqué, d'ailleurs H. dut être surpris que Masinissa et Laelius aient préféré poursuivre sa maigre cavalerie plutôt que de le prendre de flanc, a t il jugé cela comme une faiblesse des chefs de la cavalerie adverse et par là, tablé sur le facteur temps voir un non retour de ceux ci?
Scipion sachant que la cavalerie numide et carthaginoise d’H. est a 1 contre 3 et qu'il a de bonnes chances de réussir un mouvement d'enveloppement sur la première et seconde ligne, laisserait sa cavalerie inactive en attendant de voir si les vélites et Hastatii tiennent face aux éléphants? ou cette cavalerie ne bouge pas parce qu'elle a justement des éléphants en face d’elle, et laisse vélites et tirailleurs s'en occuper?
Même pas mal
Si on intègre Appien dans la description de la 1ere phase de la bataille on obtient a peu près ceci. ( là par fainéantise,j’utilise la synthèse des sources faite par Armandi dans son "Histoire militaire des éléphants")
« Lorsque tout le monde fut à son poste, les deux généraux allèrent se placer, avec quelques escadrons d'élite, au centre de leurs réserves. Il paraît que ce furent les Romains qui donnèrent le signal du combat, et qu'aussitôt les Numides se mirent à escarmoucher entre les deux armées. Ce premier engagement fut suivi d'une charge générale des éléphants, escortés d'une nuée de tirailleurs qui devaient les protéger contre les troupes légères de l'armée romaine. Le bruit des trompettes, les cris, et le cliquetis des armes, que Scipion avait fait augmenter à dessein, effrayèrent ceux de ces animaux qui venaient de la gauche, et les firent reculer sur les Numides, qu'ils mirent en désordre. Masinissa, posté vis-à-vis, profita de ce moment pour charger cette aile, la renversa, et la poursuivit au loin dans la campagne. Cependant la plus grande partie des éléphants était aux prises avec les vélites, qui s'étaient portés à leur rencontre : ces troupes légères les avaient rudement reçus, mais aussi elles en étaient fort maltraitées. Ce fut avec une peine extrême qu'elles parvinrent à en engager quelques-uns dans les intervalles, ou à les pousser parallèlement au front de bataille, pour les faire écouler par les ailes. Bientôt elles se trouvèrent dans l'impossibilité de résister sur tous les points à ces animaux, qui les assaillaient de tous côtés; le combat commençait à prendre une tournure alarmante; plusieurs parties de la ligne étaient forcées, les vélites cédaient le terrain, et les éléphants renversaient les manipules, et répandaient la consternation dans les légions. Scipion accourut alors avec son escorte et une partie de la cavalerie de Laelius; mais les chevaux italiens, effrayés à la vue des éléphants, se jetèrent pêle-mêle dans les rangs des vélites, et augmentèrent la confusion. La situation était critique; Scipion sentit qu'il fallait une de ces résolutions hardies qui commandent à la fortune et changent la face des combats : il ordonna à ses cavaliers de mettre pied à terre, e fit autant lui-même, et, saisissant le javelot d'un légionnaire, il courut sur le premier éléphant qui se trouva à sa portée, et lui plongea son arme dans la poitrine. Cet exemple d'intrépidité entraîna tout le monde : officiers et soldats se jetèrent en masse sur les éléphants, en tuèrent plusieurs, et parvinrent enfin à chasser les autres hors du champ de bataille.
Laelius réunit alors sa cavalerie, et chargea celle des Carthaginois qui était à l'aile droite. Elle ne lui opposa qu'une faible résistance; il la culbuta et la poursuivit au loin dans la plaine. Les temps étaient passés où la cavalerie carthaginoise pouvait par sa supériorité décider de la victoire: à force de persévérance, les Romains étaient parvenus à former des escadrons aussi bons que ceux de leurs adversaires. »
On est loin d’une utilisation maladroite des éléphants et d’un « même pas mal »
par contre L’échec immédiat des éléphants sur l’aile gauche et un Scipion franchement réactif et de bon jugement tactique qui a neutralisé in extrémis en la première phase du plan d’Hannibal ( avec au final une conséquence fatale pour Carthage), celui-ci a quand même désorganisé suffisamment la première ligne des hastatii, pour que les mercenaires (en majorité des troupes légères) puissent tenir le choc face à ceux-ci. on lit souvent sur les forums que les éléphants auraient fait des dégâts chez les carthaginois mais en fait a l'exclusion de la cavalerie numide ce n'est pas le cas les romains ont évacués péniblement les mastodontes par les flancs et quelques uns par les "Via" ménagés entre les manipules pas de dégâts dans la première ligne mercenaire.
Pb au centre ce n'est pas des Gaulois !!!
Certes mais ils sont quand même loin d’avoir démérité, reste à déterminer si l’immobilité des carthaginois et des libyens de la seconde ligne était prévue ou fut une des mauvaises surprises de la bataille (un peu comme les rangs centraux des unités hoplites qui paniquent):
« La cavalerie s'étant éloignée, et la fuite des éléphants ayant laissé le terrain libre, c'était à l'infanterie à décider du sort de la journée. Les hastati s'avancèrent en poussant le cri de guerre et en frappant leurs boucliers; la première ligne des Carthaginois, qui, comme nous l'avons dit, était composée d'étrangers, les reçut en lançant sur eux une grêle de traits; puis les deux lignes donnèrent tête baissée l'une contre l'autre. Les étrangers l'emportaient par leur agilité et par leur obstination à revenir à la charge; les légionnaires les pressaient de leur masse et du poids de leurs armes, sans cependant pouvoir les enfoncer. Enfin Scipion fit avancer la seconde ligne (principes) au secours de la première, et donna ainsi l'avantage à ses troupes. Dès cet instant les étrangers ne disputèrent plus le terrain que dans l'espoir d'être également soutenus parles Carthaginois et les Africains de la seconde ligne ; mais ceux-ci, soit frayeur, soit mauvaise volonté, ne bougèrent pas, et laissèrent tailler en pièces leurs camarades. Alors ces malheureux, se croyant trahis, se retournèrent sur la seconde ligne, qui, de son côté, les reçut à la pointe de l'épée, et Annibal eut la douleur de voir ses soldats s'entretuer. Tous les efforts qu'il fit pour les séparer furent inutiles, et bientôt cette partie du champ de bataille ne présenta plus que des monceaux de cadavres.
Dans ce conflit désespéré, les étrangers furent ceux qui souffrirent le plus, pressés comme ils l'étaient par les Romains, et repoussés par les Carthaginois. Le seul parti qui leur restait pour échapper à la boucherie, c'était de se frayer un passage à travers la seconde ligne: ils réussirent à le faire, et cette ligne ainsi morcelée ne fut plus en état de tenir tête aux Romains. »
La seconde ligne se jette sur les vétérans qui pour ne pas se désorganiser pointent leurs piques faisant s’écouler les déroutés sur les flancs.
A ce stade Hannibal qui ne pouvait ignorer la faiblesse de cette seconde ligne a-t-il escompté sur le fait que les hastati qui ont soutenu des pertes depuis l'assaut des éléphants, et de la première ligne, en s’engouffrant se retrouveraient en coin, désorganisant la ligne romaine en lui offrant enfin la possibilité d’envelopper les manipules comme à cannes ? En tout cas Scipion a anticipé ce risque en stoppant le mouvement et réorganisant sa ligne comblant les vides et manœuvrant principes et triarii sur les flancs pour éviter tout risque d’enveloppement (et peut être pouvoir lui-même faire un enveloppement), avant que les vétérans du Bruttium ne soient au contact (ils avancent lentement parmi les cadavres afin de maintenir une ligne parfaite d’hoplites) difficile de ne pas reconnaitre la souplesse et la supériorité des capacités manœuvrières des unités de Scipion et de sa grande qualité tactique.
La suite tout le monde la connait le combat est acharné et équilibré et le retour des cavaleries numides et romaines qui prennent les vétérans par l’arrière sonne le glas de la bataille et de la guerre punique.
Cet aspect de la bataille peut étonner de la part d’Hannibal, plus que son emploi des éléphants ou de ses premières lignes puisque malgré les mauvaises surprises, globalement Hannibal par son dispositif n’a pas permit la moindre initiative a Scipion , celui-ci devant réagir et rectifier en permanence avec un sacré talent ( encore que le choix payant de masser de quoi affoler les éléphants de l'aile gauche et de démonter une partie de sa cavalerie romaine pour appuyer ses velites avec pour résultat de laisser les cavaleries adverses démunis face au siennes n'était peut être pas une simple conséquence réactive..)
On peut s'interroger sur l'absence de dispositions en réaction pour parer a un retour possible de la cavalerie adverse alors qu’il dispose de 15 ou 20000 veterans frais et dispos de qualité ( même si moins manœuvriers que les manipules de Scipion) ... Ou ,connaissant les qualités de l’infanterie adverse, A-t-il considéré la probabilité que la cavalerie revienne a temps comme plus faible que le risque d’affaiblir indument sa ligne de veterans en y distrayant de quoi prévenir une attaque par derrière ? Les faits lui ont donné tort, Ou pas, rien ne nous garantit qu’en protégeant ses arrières (à ce stade) il n’aurait pas mis au final les légionnaires en position de force pour percer ou l’envelopper.
J’en conclus que si Hannibal avait délibérément choisit la fuite de sa cavalerie des le départ pour distraire la cavalerie adverse, une réserve pour protéger ses arrières aurait été prévue… et qu'il paye cher la conséquence d'un événement survenu au début de la bataille, qu'au final il lui était difficile de ne pas en envisager les conséquences mais qu'il lui était difficile de contrecarrer une fois la bataille bien engagée avec des troupes a faible capacités de manœuvre sauf éclaircir dangereusement ses vétérans.
Ceci n’étant bien sur que mon sentiment personnel.