« Il ressemble vraiment à un condottiere : meneur d'hommes de toutes les nationalités, excellent tacticien, bon gestionnaire de ses biens mais ne peut pas politiquement concrétiser (un peu comme Wallenstein) car il n'est pas un roi, ni le représentant principal de sa cité. C'est un général pas un consul militaire. »
Oui oui Patrick, dis comme ça je partage entièrement, et j’accentuerai dans le côté « course à l’impossible » même.
Pour le recrutement, d’une part il s’en méfie, d’autre part il préfère les laisser à la garde de leur cité respective en ajoutant des garnisons. Seuls les Bruttiens et la cavalerie de Capoue lui semblent fiables en fait et derrière les peuples d’origine Grecs ; en fait il établit une véritable hiérarchie. Et si ils ne recrute pas, du moins il libère une partie de ses troupes mais ce n’est jamais assez et ses meilleurs éléments s’érodent.
L’habile stratégie de Cunctator a contraint Hannibal au sud de l’Italie, mais aussi à livrer une guerre de siège plutôt que d’escarmouche. De ce que j’ai lu, Hannibal sous-estime l’impact de la colonisation romaine dans toutes ces cités, du relationnel patiemment tissé. Cette information aucun espion ne pouvait réellement la lui donner. En outre, si les élites pour la plupart souhaitent rester sous la domination romaine pour les privilèges commerciaux qu’elles ont acquis, les populations souffrent de ne pas avoir la citoyenneté et ne ressentent pas encore parfaitement les apports du mode de vie romain (d’où les multiples guerres des soccii). Les cités sont donc divisées. Hannibal s’appuie tantôt sur une faction, tantôt sur l’autre en fonction des situations. Mais à terme il ne parvient pas à faire valoir sa conception stratégique de la guerre car les structures sociales et économiques sont déjà trop imbriquées. Hannibal promet la liberté (au sens de la domination romaine), mais il ne peut apporter l’opulence économique ; chaque fois qu’il livre combat, il perd un peu plus de ses hommes mais surtout de l’éventuelle perspective de paix un jour. La guerre ne peut durer peu de temps, ces gens ne le comprennent pas, les Romains l’ont bien compris. Ce n’est pas une question de détermination, amis de réalité économico sociale. Seules quelques familles perdraient dans la rupture de l’économie commerçante avec Carthage et l’Espagne, l’écrasante majorité a investi en Sicile, en Italie du Sud et du Nord. Or les mariages entre famille ont aussi privilégié les investissements des élites non-latines dans ces zones, et à terme, l’impact du mode de vie agraire risque de pâtir de la victoire Carthaginoise, bien plus que de la domination romaine.
C’est l’ensemble des études numismatiques qui de plus en plus démontrent cette imbrication des liens à trois : familles romaines, familles non-latines, familles carthaginoises.
La particularité d’Hannibal, c’est qu’il a senti ces liens, et que pour les briser il propose un autre modèle et base tout dessus. La haine du romain n’est qu’un artifice ou moyen, l’objectif c’est de remplacer une structure dominée par les Romains par une structure type fédération comme l’a dit Fred où Carthage tirerait son épingle du jeu mais surtout pour apporter un contre modèle. C’est pour ça que Rome n’est qu’un objectif secondaire dans cette guerre. A Cannes, plus de la moitié des élites romaines et éliminée, et pourtant ça n’arrête pas l’effort de guerre de ces derniers. Ce qui empêche Hannibal de réussir, c’est qu’il arrive trop tard, l’essentiel est déjà fait. Ce qui empêche les peuples du Sud de l’Italie d’aller jusqu’au bout, c’est qu’ils ont tout à y perdre (sauf Capoue basée sur une économie marchande, rivale de Rome) et qu’Hannibal ne parvient pas à laisser entrevoir mieux.
Pyrrhos a raison, la fédération italienne du centre a prouvé sa solidité, empêchant durablement le Carthaginois de l’emporter.
PS : j'arrête pour l'instant, j'ai du boulot, ce soir pour moi