La discussion est très intéressante :
- je pense que la subjectivité est inhérente à toute pensée, qu'elle représente un biais dans le cadre d'une démarche sicentifique et que tout scientifique dois s'en extraire au maximum (même si ce n'est pas possible totalement évidemment).
Je pense pareil que toi pour les sciences dites "exactes" (car aucune ne l'est vraiment totalement), mais j'ajoute que l'Histoire ne peut justement pas être réduite au champs d'une science "exacte"
- tu penses, d'après ce que j'ai compris, que la subjectivité est inhérente à toute pensée et qu'il est donc normal qu'elle baigne la rélexion scientifique. Le scientifique n'a donc pas à s'en extraire, voire il peut l'encourager)
Pas exactement, je pense qu'écrire l'histoite n'est pas une démarche scienifique stricto-sensu et donc que les contraintes d'une démarche scientifique (sur lesquelles nos vues sont similaires) ne s'appliquent de manière aussi facile dans l'histoire que dans les mathématiques (voir au dessus). Il n'y a ni axiomes ni théorèmes en histoire.
Concernant les pertes de la bataille de Marathon : quelles sont les sources ? quelle est leur fiabilité ? ces pertes raportées à la population en âge de porter les armes sont elles crédibles ? ... Après, personnellement, savoir qui avant raison, qui avait tord des Perses ou des Athéniens, et tout ça... ça ne m'intéresse pas le moins du monde.
Moi ce qui m'intéresse c'est aussi de comprendre les motivations de chacun, leur états d'esprits, leurs visions de l'autres (ce que les Perses pensaient des Grecs, ce que les Grecs pensaient des Perses), de comprendre la portée de la bataille dans leurs histoires respectives, des tas de point qui ne sont pas analysables uniquement en se réferrant aux faits de la bataille (armements, pertes, % population en arme).
Il ne s'agit pas de savoir qui avait "tort ou de raison", les Grecs pensaient avoir raison et les Perses aussi, mais de comprendre comment ils justifiaient leurs positions et pourquoi ils pensaient avoir raison.
Georges Dumézil, connais pas
Ce qui confirme qu'il y a de larges partie du domaine d'étude historique qui t'échappes (rassures toi pour moi c'est exactement la même choses, mais nos lacunes sont simplement différentes).
Nan nan m'sieur trop facile de déformer mes propos
Sur ce point là, je ne faisais que plaisanter... je sais que personne ne me lis ou presque
Oulala il va falloir que tu m'expliques en quoi c'est un jugement de valeur Belle pirouette réthorique Fred !
Pourquoi est-ce "un jugement de valeur" que de vouloir analyser l'Histoire en fonction d'un reférent "scientifique" ?
Prenons un exemple : Georges Duby, dans "Guillaume le Maréchal", base la plus grande partie de son analyse des tournois et de la chevalerie sur l'étude littéraire d'un très long poème (plusieurs dizaines de milliers de vers) qu'il juge plus instructif que l'analyse statistique du nombre de tournois auxquels Guillaume à pris part, l'âge des compétiteurs, le poids de leurs armures ou les % de blessures mortelles au cours de ces tournois.
C'est une prise de position méthodologique, un "jugement de valeur", comme le tien : une divergence de méthode. Par jugement de valeur, j'entend qu'un choix méthodologique est un forcément révélateur d'un jugement de valeur. Et par bonheur,l a complémentarité de ces méthodes et des valeurs induites est en lui même une source de richesse pour la compréhension de l'histoire.
Sur la république romaine, j'en ai appris autant en lisant Dumézil sur les mythes indo-europénes, que Pflaum sur son analyse plus scientifique des titulaires de charge de procurateurs équestres. L'un interprète des mythologies, l'autre fait des statistiques "scientifiques". Leurs travaux son complémentaires (et à mon avis aucun des deux n'est neutre...), parce que l'un comme l'autre l'ont fait sérieusement.
Ma position, c'est que les études, selon des méthodes différentes, des historiens sont pour la plupart intéressantes, qu'elles apportent chacunes leur pierre à l'édifice et qu'en se limitant à une analyse neutre (tu as as toi même dit qu'elle pouvait parfois être "froide") uniquement de faits avérés scientifiquement, on passe à côté de beaucoup de choses.
Et tu es d'accord là dessus en disant :
3. Non je ne pense pas que la démarche scientifique pure se suffit a elle seule
Je pense néanmoins, comme toi, que certains travaux ne sont pas "sérieux" et que tous les historiens ne produisent pas des travaux de même valeur. L'éthique de l'historien est pour cela capitale, mais là encore l'éthique ne peut pas s'appuyer que sur des données scientifiques. Elles est forcément plus large (philosophieque, morale...)
Prenons un autre exemple : Thucydide.
Lorsqu'il écrit sur la Guerre du Peloponnèse, il fait un fabuleux travail d'historien, pourtant :
- il raconte les faits dont il a été témoin (source de première main), c'est "scientifique"
- il décrit comment il les a vécu, là déjà on entre dans le domaine de sa subjectivité, mais c'est très intéressant de lire comment un stratège athénien à vécu les choses (ce n'est pas neutre, mais cela permet de comprendre)
- enfin, il prend parfois parti, en portant un jugement sur la stratégie de tel ou tel général, sur l'attitude d'Alcibiade etc. Là on entre dans le domaine de l'opinion, mais là encore c'est particulièrement instructif voir comment la classe dirigeante athénienne jugeait Alcibiade etc.
Bref ce que je veux dire c'est qu'il y a à chaque fois plusieurs niveaux de lecture (et donc d'écriture) de l'Histoire.
Notre seul vrai point de désaccord, à mon sens, c'est que tu crois possible une "neutralité" scientifique vis à vis de l'Histoire et que je ne la crois pas possible, à moins d'avoir mis sous cloche l'historien, afin qu'il ne subisse aucune influence de son milieu, de son éducation, de ses opinions. Ferro d'un côté, ou Pétré-Grenouilleau (voir son livre sur l'Esclavage qui a tant fait parlé de lui) de l'autre emploient des méthodes scientifiques dans leurs ouvrages mais le résultat de leurs travaux n'est aucunement neutre.