Votre débat est intéressant... A mon avis, le travail de l'historien prend l'eau dès qu'il débute. Malgré tous les efforts d'impartialité engagés de sa part, il ne peut qu'utiliser des récits, rapports, oeuvres qui sont loin de l'être. Pour sortir une grande phrase, l'Histoire est écrite par les vainqueurs. Qui se risquerait à chroniquer un règne en se montrant critique envers le suzerain? Vous trouverez certainement des contre-exemples, mais il faut avouer que la règle générale est de devoir plaire ou d'embellir les faits.
A partir de là, soit l'historien peut déconstruire ses ressources et ses références, soit se contenter de réécrire ce qui l'est déjà. S'il n'apporte pas sa touche personnelle alors où se trouve la valeur ajoutée? En fait c'est l'aspect critique de l'historien face aux faits relatés que j'apprécie. Je ne veux pas de révisionnisme ni de censure, mais le simple fait de montrer les contradictions dans les sources et de suggérer une modération donne sa valeur à l'auteur. Par ailleurs, si deux historiens aux sources différentes atteignent des conclusions différentes, ça ouvre la discussion et fait normalement le bonheur du lecteur. La découverte de nouvelles sources, le recoupement d'autres, peuvent amener une modification de la pensée, de la certitude acquise au fil du temps et de l'imagerie populaire. Qu'un Ben Weider se soit escrimé à définir Napoléon comme un pacificateur face aux légions d'anglo-saxons qui n'y voient que l'antéchrist est peut-être un effort vain, mais c'est une approche qui a le mérite d'exister. Est-elle solide? Est-ce une idéalisation? Peut-être tout autant que les tableaux de Horace Vernet, peut-être est-ce l'oeuvre d'une naïveté enthousiaste... Le fait est que l'on entre pas dans la tête des gens. La magnanimité d'autrefois est parfois encore une atteinte aux sacro-saints droits de l'homme d'aujourd'hui. Peut-on comprendre une guerre antique alors que la valeur d'une vie humaine à l'époque est sans commune mesure avec la nôtre?
Cela permet par ailleurs de juger l'approche de l'historien, et avouons que c'est parfois amusant. Je pense au livre qui a inspiré
the Da Vinci Code. Des centaines de pages noircies pour convaincre le lecteur de l'aspect scientifique des recherches et de la quête de données, pour tout mettre par terre dans les derniers chapîtres. Pourtant ce livre possède quand même un certain intérêt historique, pour qui aura le courage de contre-vérifier tout ça!
Je le concède, ces auteurs ne sont pas historiens.
Ce que j'attends de l'historien, c'est une grosse revue de presse qui est hors de ma portée, une bonne synthèse des documents existants. S'il peut ensuite démontrer via cette recherche une interprétation plausible et raisonnable, argumentée, tant mieux. S'il peut en outre aborder les hypothèses qui le contredisent et s'en servir pour appuyer sa version, alors on fait très vite le tour de la question. Mais on ne peut pas l'empêcher d'approfondir ce qu'il aime ni le forcer à chercher systématiquement un contre-argument à son approche.