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[CR] - Harpoon : l'invasion de la Georgie du Sud, 3 avril 1982

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Francis Marliere



Bonjour à tous, voila le compte-rendu d'une partie par correspondance de Harpoon, qui devrait, si Dieu me prête vie, être le premier acte d'une campagne consacrée à la guerre des Malouines.

La genèse de ce scénario Harpoon, qui vient de s'achever, est pour le moins originale et mérite d'être racontée. Elle tient à l'invitation, pour le moins inattendue, que m'a fait Dominique Guillemin, d'animer une partie d'Amirauté lors d'une manifestation organisée par l'Ecole Navale. Le succès de cet événement nous a amené, Dominique et moi, a vouloir recommencer, mais sur un thème plus en phase avec les préoccupations des élèves officiers. D'où mon désir de sortir Harpoon du placard et de vous en faire profiter.

Harpoon n'est cependant pas Amirauté et tant la modélisation que la mise en place du jeu s'avèrent beaucoup plus complexes que les parties auquelles nous sommes habitués. J'ai donc décidé de commencer avec un scénario pas trop ambitieux afin de tester les règles et les modalités de jeu. Mon choix s'est porté sur une variation sur l'invasion de la Georgie du Sud par les forces argentines, le 3 avril 1982. Le seul changement par rapport aux événements historiques étant alors que le patrouilleur austral HMS Endurance se trouve beaucoup plus proche de la Georgie du Sud qu'il ne l'était en réalité.

Ce scénario oppose une escadre argentine constituée du Bahia Paraiso, un brise-glace non armé mais embarquant deux hélicoptères (un Puma et une Alouette) et une centaine de fusiliers-marins, et de la frégate Guerrico, aux forces britanniques défendant la Georgie du Sud (22 Royal Marines et le patrouilleur austral HMS Endurance, navire faiblement armé mais embarquant 2 hélicoptères Wasp capables d'emporter 2 missiles AS.12).


Lorsque la partie commence, le 3 avril 1982 à 0740, la garnison britannique s'est scindée en 3 groupes. Le premier, fort de 3 hommes, est placé à l'entrée de la baie de Cumberland pour observer les mouvements navals et aériens argentins. Le second groupe, 8 hommes avec les armes lourdes (canon sans recul Carl Gustav et plusieurs lance-roquettes LAW de 66 mm), est placé em embuscade dans les bâtiments à l'entrée de la baie de Grytviken, alors que les 9 derniers Royal Marines sont retranchés dans Grytviken même. L'Endurance est à 60 miles marins au nord-ouest de Grytviken et progresse à 10 noeuds vers le sud-est-est. Un des wasp est armé de deux AS.12 en vue d'une reconnaissance armée sur Grytviken.

Ignorant la présence du patrouilleur britannique, les argentins se préparent à héliporter leurs troupes à proximité de Grytviken. Le Bahia Paraiso, alors à 20 miles marins au nord-est de l'entrée de la baie de Cumberland, progresse à 12 n vers son objectif, en préparant ses deux hélicoptères pour un assaut prévu à 0930. La frégate Guerrico, alors à l'entrée de la baie de Cumberland, jette l'ancre.

A 0821, l'hélicoptère britannique pénètre dans la baie de Cumberland par l'ouest. Trois minutes plus tard, il repère la frégate argentine qu'il engage avec ses AS.12. Contre toute attente, les deux missiles atteignent leur cible et causent des dommages significatifs. L'appareil propulsif est avarié, ce qui réduit la vitesse maximale du navire d'un quart, le lanceur Exocet tribord est avarié, ainsi que le radar de veille surface. L'alimentation électrique est interrompue, ce qui laisse le navire sans armement ni senseur. Le Wasp interrompt sa mission de reconnaissance et retourne à l'Endurance.

Curieusement, les argentins ne prennent, à ce moment, pas la mesure du danger qui les guette. Le Bahia Paraiso ne change pas ses plans : il continue sa route et maintient l'assaut héliporté prévu pour 0930. Quant à la frégate Guerrico, elle lève l'ancre pour patrouiller à l'est de sa position actuelle.

Dans l'heure qui suit l'attaque, l'équipage de la frégate répare la plupart des avaries (seuls le lanceur MM 38 reste hor-service). A 0920 le second Wasp de l'Endurance décolle, armé de 2 AS.12, et 10 minutes plus tard, c'est au tour du Puma et de l'Alouette du Bahia Paraiso.

A 0932, le Puma s'apprête à atterir sur le terrain plat, derrière l'église de Grytviken, pour débarquer une quinzaine de fusiliers marins, lorsqu'il est engagé par les 9 Royal Marines retranchés à proximité. Criblé de balles par une mitrailleuse et plusieurs fusils, l'hélicoptère s'écrase. Les fusiliers-marins argentins survivants qui s'extraient de l'épave sont pris à partir par leurs homologues britanniques et se retrouvent cloués derrière la carcasse du Puma.

Le Bahia Paraiso ordonne alors à la frégate de le rallier au plus vite et à l'Alouette d'engager les fantassins britanniques avec sa mitrailleuse de sabord. Alors que l'hélicoptère argentin échange des tirs avec les Royal Marines, le Wasp arrive dans la baie de Cumberland, et engage le Bahia Paraiso avec ses AS.12.

Cette fois, la chance sourit aux argentins. Le premier missile rate de peu la proue du navire, et le second s'abime en mer à mi-chemin. L'alerte cependant a été chaude, et le commandant du Bahia Paraiso décide de ne plus tergiverser : les fusiliers marins effectueront un débarquement de vive force avec les 4 LCVP du brise-glace, soutenus par l'artillerie de la frégate et couverts par l'Alouette.

A 1030, le Bahia Paraiso s'est approché de Grytviken et commence à mettre à l'eau les engins de débarquement. L'Alouette a été réparée (elle a été touchée par quelques balles lors du précédent combat), réarmée et ravitaillée, et décolle pour une patrouille de combat au nord du bâtiment, à l'entrée de la baie de Cumberland. La frégate a rallié le brise-glace et reçoit l'ordre de s'avancer vers Grytviken pour y effectuer des tirs de semonce contre les positions présumées des britanniques. Au même moment, les deux hélicoptères britanniques redécollent, une fois de plus armés d'AS.12.

A 1042, la frégate entre dans la baie de Grytviken et effectue ses premiers tirs de semonce. Elle est alors engagée par les armes lourdes des Royal Marines, qui mettent plusieurs coups au but. Très rapidement, la pièce de 40 mm à l'arrière de la frégate ouvre le feu sur les bâtiments d'où partent les tirs, et font cesser le feu anglais. Le Guerrico a cependant encaissé plusieurs projectiles de Carl Gustav et roquettes de 66 mm. Les deux radars de veille sont neutralisés par un impact dans les superstructures et l'appareil propulsif est avarié. La frégate, privée de propulsion, s'arrête.

Après quelques minutes de pause où les Royal marines remplacent les servants du Carl Gustav blessés par les tirs du Guerrico, le combat reprend. La frégate est de nouveau atteinte, et cette fois-ci c'est l'appareil à gouverner qui est atteint. La riposte du bâtiment est immédiate et le Carl Gustav est détruit par une rafale de 40 mm.

Les argentins profitent de quelques minutes de pause pendant lesquelles l'équipage du Guerrico tente de réparer les dommages subis. Le répit est cependant de courte durée : un quart d'heure après les derniers tirs, les deux Wasp surgissent de la montagne derrière Grytviken.

Le premier des hélicoptères engage la frégate. Le premier missile frappe le bâtiment, juste sous la ligne de flottaison, ouvrant une voie d'eau et avariant encore plus l'appareil propulsif. Le second missile rate le bâtiment, qui tente sans uccès d'abattre le Wasp avec son canon de 100 mm.

Le second hélicoptère choisit d'engager le Bahia Paraiso, et fait un large crochet pour éviter le canon de 40 mm de la frégate. Arrivé à distance de tir, l'équipage de l'appareil distingue alors les LCVP, qui commencent juste leur progression vers Grytviken, et décide de les attaquer. A 1059 puis 1102, les deux engins de débarquement mis à l'eau par le Bahia Paraiso sont frappés de plein fouet par un missile et coulent avec d'importantes pertes humaines.

A 1104, l'Alouette, qui était en patrouille de combat au nord du brise-glace, parvient sur les lieux du drame et engage le Wasp qui vient de couler les deux LCVP. L'hélicoptère britanique prend vite l'avantage et parvient à atteindre son opposant à deux reprises, sans toutefois lui causer de dommages significatifs. A 1106, un tir de l'Alouette blesse le pilote britannique, qui doit poser son appareil en urgence à environ 3 kilomètres au sud-est de Grytviken.

A 1109, le second Wasp, qui a fait demi-tour à 1104 pour secourir l'autre hélicoptère, surprend l'appareil argentin alors que celui-ci revient au Bahia Paraiso, et l'abat d'une longue rafale de mitrailleuse.


Avec l'accord des deux joueurs, j'ai interrompu la partie à ce moment, estimant que continuer ne serait ni intéressant (la défaite argentine est consommée) ni réaliste (l'état-major de la marine argentine ne peut qu'ordonner l'abandon de l'opération). La victoire britannique, aussi totale qu'inattendue, est une douche froide pour les argentins qui célèbrent alors la reconquête des 'Malvinas', et un camouflet pour la marine argentine, dont la position à l'intérieur de la junte est considérablement affaiblie. Elle ne change pas fondamentalement la donne stratégique car quelques jours plus tard, d'importants renforts argentins s'empareront de la Georgie du Sud, alors évacuée par ses défenseurs, mais confortera le choix de Margaret Thatcher de reprendre les Falklands par la force.

La victoire britannique tient à mon sens à trois facteurs. Les deux premiers sont les bonnes décisions prise par le joueur anglais et la chance insolente dont il a bénéficié. Le troisième, le plus important à mes yeux, est que les joueurs argentins n'ont pas pris la mesure de la menace anglaise et ont maintenu leur plan initial alors que le scénario avait changé de paradigme. Il fallait, après la première attaque, laisser de côté le débarquement (qui pouvait toujours avoir lieu plus tard) pour traquer et détruire l'Endurance. En commettant cette erreur d'appréciation, les joueurs argentins ont laissé l'initiative à leur adversaire et se sont condamnés à encaisser les coups sans pouvoir en porter.


L'arbitrage de cette partie a été riche d'enseignement, du moins sur ce qu'il ne faut pas faire. Les problèmes structurels du jeu (modélisation insatisfaisante – de mon point de vue – de certains aspects de la guerre aéronavale) et les situations pour le moins peu courantes que j'ai eu à gérer (tirs de pièces antiaériennes contre la terre, combat aérien entre hélicoptère, tirs d'armes légères sur un hélicoptère en train de se poser, déploiement d'engins de débarquement à l'aide de grues, etc.) m'ont contraint à improviser en permanence. Les solutions que j'ai apporté, les décisions que j'ai prises, bien qu'impartiales, sont inévitablement subjectives et perfectibles et ont probablement influencé trop fortement le résultat de la partie. Si j'avais utilisé les règles de Harpoon telles qu'elles existent, les dégâts subis par la frégate Guerrico auraient probablement été moindres, et aucun hélicoptère n'aurait été abattu.

Parmi les leçons que je retirerai de cette partie, je note l'important travail à faire pour améliorer ou préciser la modélisation. Les règles relatives aux dégâts dans le système Admiralty Trilogy ne me satisfont pas car elles sous estiment à mon humble avis les probabilités qu'a une arme de faible puissance (un AS.12 par exemple) d'avarier un navire. D'autres règles, comme par exemple la modélisation de l'artillerie antiaérienne, semblent fonctionner dans les situations habituelles mais inadaptées à un contexte particulier. Je mesure bien qu'une mitrailleuse légère a peu de chances d'abattre un avion de combat filant à 600 nœuds mais estime qu'un hélicoptère non blindé engagé à faible portée par une mitrailleuse a plus de 2% de chances d'être abattu.

La façon dont le jeu doit être articulé amène également de nombreuses questions. Le découpage du temps et le rôle exact des joueurs décident du tempo mais aussi de l'intérêt du jeu. La fréquence, les raisons pour lesquelles le jeu doit être interrompu est un casse-tête presque insoluble, qui oppose d'un côté la nécessaire précision du jeu, la liberté des joueurs, à la nécessité de garder le jeu fluide. C'était un problème dans les thèmes stratégiques d'Amirauté, et ce l'est d'autant plus que Harpoon génère plus d'informations, d'événements pouvant susciter une interruption du jeu.

La façon de gérer les opérations aériennes, tout particulièrement, cristallise les problèmes que je viens d'évoquer. J'ai commandé moi-même les hélicoptères durant la partie, à partir des informations (ordres généraux et plans de vol plus ou moins détaillés) données par les joueurs, et le résultat n'est, de mon point de vue, pas satisfaisant. J'ai en effet été amené à faire des choix qui n'étaient pas de mon ressort et qu'il revenait aux joueurs de faire. Plus grave encore, les choix que j'ai fait – en toute impartialité, certes – ne pouvaient pas ne pas être influencés par ce que je connaissais du dispositif, des ordres, des intentions de chaque camps. Il est à craindre que les décisions que j'ai pris pour les joueurs étaient biaisées par ma position d'arbitre.

Pour autant, la solution à ce problème, si elle est simple à concevoir (le ou les joueurs commandent directement les unités aériennes), est difficile à mettre en œuvre. Ce scénario, ultra simple et mené par des joueurs compétents, disponibles et motivés, a duré 4 mois alors même que les opérations aériennes ont été gérées de façon abstraite. Combien de temps durera une partie plus ambitieuse si nous gérons les opérations aériennes dans le détail ? J'attire votre attention sur le fait que les opérations aériennes se gèrent, dès que l'ennemi est à proximité, au niveau des 'engagements turns' de 30 secondes. A raison d'un tour par semaine, il faudrait presque trois mois pour gérer l'équivalent de 3 minutes de combat. Trois mois durant lesquels les autres joueurs n'ont absolument rien à faire. L'abandon d'Alex en pleine partie illustre ce qui arrive lorsque l'ennui s'installe dans une partie.


Bilan de la partie

Argentine :
2 hélicoptères détruits
1 frégate sérieusement endommagée par 3 AS.12 ainsi qu'une dizaine de projectiles antichar (Carl Gustav et LAW)
2 LCVP coulés
bilan humain : 40 morts, 35 blessés
frégate : 9 morts, 13 blessés ;
Puma (crash et combats) : 7 morts, 5 blessés ;
LCVP : 21 morts (nombreux noyés), 17 blessés ;
Alouette : 3 morts ;

Royaume-Uni :
1 hélicotère endommagé mais récupéré par la suite
bilan humain : 1 mort, 4 blessés
Royal Marines (équipe armes lourdes) : 1 mort, 2 blessés
Royal Marines (équipe principale) : 1 blessé (atteint par les tirs de l'Alouette)
Royal Navy : 1 blessé (pilote du Wasp)

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