Personnellement, je n'ai pas de leçons à donner aux Ukrainiens sur leurs raisons de se révolter, mais je n'ai pas non plus de raisons de m'esbaudir si je contaste que leur révolte sert
in fine des intérêts profondément régressifs. Ainsi mon raisonnement n'est pas :
pascal a écrit:vous dites pas « enfin les gens se révoltent », ce que vous aimeriez tous en faire en europe d’après vos post, mais vous dites « ouais mais ça fout le bordel, vous voyez ?
Les Ukrainiens et nous auraient, j'en suis convaincu, les même raisons de se révolter : la défense de leurs politiques fondamentaux et l'établissement d'une société de
common decency (Orwell). Seulement, pour parvenir à une telle fusion, il faut justement regarder à plus long terme que le seul remplacement d'un gouvernement corrompu par un autre (au fait, les Ukrainiens se font-ils encore des illusions sur ce sujet ?). Il s'agit là, en fait, d'un problème de conscience politique par rapport au sens actuel de l'histoire.
En France, le problème est de recouvrer les moyens d'une véritable souveraineté populaire et nationale (populaire
car nationale, en fait) confisquée par des instances supranationales (UE, OTAN, mais aussi OCDE, OMC, FMI sous sa forme actuelle). C'est un combat politique aussi grave et fondamental que celui des Ukrainiens, mais souvent considérée comme trop abstrait, difficile a expliquer, etc. mais qui répond profondément aux aspirations du peuple français, comme l'avait démontré le référendum sur le traité européen de 2005.
En Ukraine, il s'agit de mettre fin à des atteintes aux libertés beaucoup plus évidentes (corruption, violence politique), et d'améliorer la situation économique et sociale de la population, tâche concrète, facile à saisir. Mais le problème et l'erreur fondamentale des Ukrainiens, est de rechercher à réaliser leurs espérances en rejoingnant justement "notre" système politique, économique et social profondément dégradé. Je peux comprendre qu'ils s'illusionnent sur ce point à cause du rôle de miroir aux alouettes que joue notre prospérité relative vis-à-vis d'eux. Mais il est clair pour moi qu'ils n'auront ni la liberté, ni la prospérité, ni la justice en se rapprochant de l'UE et des Etats-Unis. Je ne suis d'ailleurs pas du tout certain que la situation expliquée en des termes aussi nets auraient leur approbation (tu m'avais dis toi-même que la 3e voie, celle de l'indépendance, avait la faveur des insurgés au début), mais c'est clairement la voie qu'ont pris leurs nouveaux dirigeants... avant même l'élection en bonne et due forme d'un gouvernement ! Si ça ne vous met pas la puce à l'oreille...
Cette divergence entre nous est simplement due à notre plus ou moins grande avancée dans le chemin de la post-démocratie néo-libérale : vous en êtes au début, nous en sommes à la fin. Etant donné que ce modèle est la fois mortifère et moribond, les Ukrainiens, et les européens de l'Est en général, gagneraient un temps précieux en passant cette étape pour se reconstruire directement selon leur propre génie national, en relation avec d'autres nations sans aucune notion de "bloc" dans laquelle s'enfermer. En fait, avec la signature-éclair de l'accord de partenariat
Ukraine-UE, véritable accord de soumission, les Ukrainiens les plus conscients politiquement doivent certainement avoir déjà compris que leur révolution prenait le chemin de la confiscation de leur souveraineté populaire ou profit d'intérêts étrangers (le Parti communiste ukrainien a communiqué sur ce sujet). Reste à savoir où en est la majorité de la population sur ces questions, à l'Est comme à l'Ouest bien sûr. "Heureusement", la menace russe va se charger de leur détourner le regard vers d'autres préoccupations...
PS : je récuse complètement ton opposition entre la France où on se la coule douce et l'
Ukraine, fleur-de-misère devant laquelle s'apitoyer. Et je me fiche complètement de la différence de PNB/h. Si les Ukrainiens veulent l'abrutissement intellectuel, la grossièreté, la solitude, la misère sociale et affective que j'ai recontrés dans les collèges où j'ai travaillé, qu'ils les prennent. Je leur donnerai en prime l'enferment médiatique de tout débat d'idée et la confiscation du mandat des électeurs par une oligarchie. Ah, non, ça ils l'ont déjà ! Bienvenu au club, les gars ! Vous aussi vous aurez des colifichets en échange d'une chance de vous accomplir dignement !