pascal a écrit:des elections!! poutine 16 ans au pouvoir avec son copain
Jacques Chirac > 12 ans, précédés de deux mandats de premier ministre (1974-76 et 1986-89) ;
Fançois Mitterrand > 14 ans, précédé d’autres mandats ministériels, bien auparavant il est vrai ;
Charles de Gaulle > 12 ans, suivis de 4 années par son premier ministre (son copain, donc, comme tu dirais) ;
Le but de cette petite liste n’est pas spécialement de défendre le gouvernement de Vladimir Poutine (« gouvernement », car « régime de Poutine » ou « régime poutinien » a un arrière-goût de république bananière, je trouve ; le régime de la Russie désigne sa Constitution) mais de relativiser le sens qu’on peut donner à sa longévité. On pourrait m’objecter comme une preuve de notre pluralité politique les cohabitations qui ont émaillées les mandats des deux premiers présidents français cités, mais, outre que cette pluralité peut également avoir été exprimée sous les présidences de V. Poutine par le choix de tel ou tel ministre (un classique des démocraties dites présidentielles, dont on vient justement de voir un exemple en France), la cohabitation est une aberration non prévue par la constitution de la Ve république ; elle a beaucoup fait pour amenuiser la signification de l’alternance politique. Ainsi, elle a contribué à nous orienter vers un bipartisme de fait qui camoufle un accord de fond entre les deux partis dirigeants sur les grands sujets, avec juste quelques distinctions sur le chemin à prendre pour atteindre le même objectif. C’est flagrant sur la question européenne, par exemple.
Ce modèle est évidemment celui de la démocratie américaine. Parlons-en donc brièvement : c’est quand-même le pays ou le fils d’un président a succédé à son père, après une élection si entachée d’irrégularités qu’il n'a dû son arrivée au pouvoir qu'à une décision juridique de la Cour Suprême.
Perfectible, en effet !
A tout prendre, et faute d’arguments plus sérieux, il n’y a donc pas lieu de faire de la Russie un épouvantail d’obscurantisme et d’autoritarisme sectaire. C’est un régime présidentiel dans un pays encore marquée par une grande corruption. Mais n'oublions pas que c'est aussi un pays de grande culture et cet avantage n’est pas une pure abstraction : quelques soient les tares où les problèmes qu’ils connaissent, ce genre de pays peut puiser dans les ressources de son passé et de sa pensée pour se reconstruire. Chercher à l’humilier n’est pas plus intelligent que d’humilier la Chine ou l’Iran.
Je trouve également que la question de savoir s’il fait mieux vivre en Russie ou aux Etats-Unis est vide de sens formulée ainsi (et les comparaisons avec les transfuges de la guerre froide n’éclairent pas la situation actuelle). Je la reformulerais plutôt comme ceci : où fait-il mieux vivre pour un Russe ? Je choix de l’expatriation, pour respectable qu'i soit, est un choix si éminemment personnel qu’on ne peut guère l'extrapoler à l’échelle d’une société. Les citoyens des pays d’Europe de l’Est qui ont fuis les régimes communistes ont dû choisir de façon binaire entre leur pays et la « liberté » (définie, pour éviter tout lyrisme, comme l’ensemble des droits garanties par une société permettant le libre accomplissement de ses citoyens). Si je comprends bien leur choix dans un contexte donné, je ne doute pas que la plupart aurait préféré pouvoir construire une société émancipée dans leur propre pays.
Cette aspiration est sans nul doute celle des Ukrainiens de bonne volonté aujourd'hui. Mais c’est justement pourquoi il est d’autant plus consternant de voir la façon dont se passe leur « révolution » et les conséquences qu’elle entraîne, y compris indirectement pour nous :
1° Je
peux comprendre qu’une partie des Ukrainiens aient rejetée la politique voulue par Ianoukovitch (
mais j’attends encore que pascal nous décrire le « grand plan » de la Russie auxquels ils ont échappés - sérieusement). Mais pourquoi, alors, ne pas avoir accepté le compromis qui avançait les élections à la fin de l’année ? Pas réaliste ? Quand on voit que l’alternative est la coupure du pays en trois et la guerre civile, je pense que ce compromis valait la peine d’attendre six mois !
Là encore, j’attends des arguments plus solides que « on n’en pouvait plus d’attendre » ;
2° Je
peux à la rigueur comprendre qu’une partie des Ukrainiens chassent leur gouvernement de force. Je suis déjà moins convaincu, car, à l’évidence, les gens de Maidan ne représentent qu’une faction du pays. Mais, admettons que l’oppression ait été telle qu’ils se soient sentis obligés de franchir le Rubicon. Pourquoi diable alors tolérer la signature immédiate du traité d’association avec l’UE qui lie les mains du gouvernement et du peuple ukrainien et dont les conséquences s’appliquent à l’ensemble du pays ? C’est forcer la main des Ukrainiens opposés au projet, et il n’y en a pas qu’à l’est, comme nous le montre la tuerie d’Odessa.
C’est cette question essentielle qui aurait dû être soumise au vote, soit indirectement (élections), soit directement (référendum, si la Constitution le permet). Pourquoi aussi tolérer les néonazis dans le gouvernement, sauf à admettre – c’est maintenant une évidence – qu’ils ont été des acteurs essentiels du renversement du pouvoir ;
3° Enfin,
je n’admets absolument pas la politique de tension de l'
Ukraine envers la Russie. Elle ne peut se comprendre que par une volonté de couper les ponts avec tout compromis, aussi bien en politique internationale (adossé, croyez-vous, à l’OTAN) qu’intérieure (il faut bien donner des gages aux vainqueurs de la prise du pouvoir). Bien sûr, le nouveau gouvernement « n’a pas voulu ça », il aurait évidemment préféré que ses opposants ne bougent pas après leur avoir imposé unilatéralement sa politique… Mais, à partir du moment où le gouvernement de Kiev ne pouvait prétendre parler pour tout le pays
en raison même des conditions de sa prise de pouvoir, et en attendant de nouvelles élections, il aurait pu se contenter de maintenir l’ordre et gérer les affaires courantes plutôt que d’achever de déstabiliser le pays par ses décisions.
D’une manière générale, la marche des événements qui vous mènent au chaos est assez clairement dessinée (et sans nul besoin de débusquer les actions « secrètes » des uns et des autres, snipers pro-nazis ou spenatz russes infiltrés). En revanche, les solutions d’apaisement sont maintenant très limités du fait de l'imbrication des crises nationales et internationales liée à la
nature même de votre coup d'état, et non pas à un plan de la Russie - où alors, une nouvelle fois,
qu'on me débusque ledit projet car je ne le vois pas, je ne vois que des
intérêts russes contrariés en
Ukraine. En effet, ses solutions présupposent de ne plus faire de la Russie un épouvantail et le grand responsable de la catastrophe :
- soit
la pression internationale exercée conjointement par la Russie et les Etats-Unis sur leurs partisans respectifs. Je n’y crois guère car les événements montrent au contraire le soutien initial des USA à cette logique d’affrontement (rencontre MacCain ou Nuland avec les partis d’extrême-droite…). et il faut voir le battage pro-OTAN relayé en europe, en particulier par des pays très russophobes (Estonie, Pologne, etc.) ;
- soit
la pression populaire d’un « second Maidan » appelant à l’annulation des décisions prises par le gouvernement provisoire en attendant les prochaines élections, au nom du maintien de l’unité du pays et de la paix civile (la seule solution restante, mais sur une voie si étroite que je n’y crois pas) ;
Quoiqu’il en soit,
l'ostracisme de la Russie est la politique la plus stupide qui soit, qu’elle que soit le rôle qu’on prête à ce pays.
Soit c’est une dictature épouvantable aux desseins machiavéliques, et alors il ne faut surtout pas l'isoler derrière le rideau de fer d'une seconde guerre froide, avec pour effet d'affaiblir les forces progressistes en son sein (c’est ce que nous avons fait avec l’Iran – avec les brillants résultats que vous savez) ;
soit c’est un pays respectable, avec ses limites propres qu’il appartient aux seuls Russes de dépasser, et il faut alors le considérer comme tel sans le caricaturer. La conduite des Ukrainiens est d’autant plus stupide que la géographie et leur passé commun les obligent naturellement à tenir compte des Russes pour imaginer l’avenir.
A ce compte là, je pense que vous êtes partis pour perdre sur tous les tableaux :
- vis-à-vis de la Russie, c'est évident ;
- vis-à-vis de l'UE qui ne vous accordera pas la pleine adhésion ;
- vis-à-vis des Etats-Unis qui ne vous protégeront pas face à la Russie (Pour rappel : il n'y a jamais eu d'affrontement direct des soldats russes et américains durant toute la guerre froide).
pascal a écrit:d'ailleurs je prevois un we difficile, surtout le 9 mai
Pas bête, ça. Tu veux que je t'envoie mon ruban de Saint-George ?
Il symbolise la victoire de la Russie (donc aussi de l'
Ukraine, à l'époque) contre le nazisme : tu n'as rien contre ?