Dans le chapitre intitulé
"L'horreur à l'ordre du jour" l'auteur analyse le retournement qui se produit, après Thermidor, sur le quotidien de la Terreur.
L'élément décisif est celui du procès "Carrier", le représentant de la Convention à Nantes. alors quelques centaines de prisonniers (ceux qu'il n'avaient pas fait exécuter) sont libérés des prisons parisiennes où ils avaient finit par atterir, Carrier va lui finir à la guillotine.
"Les récits sur la perversité de Carrier, dans l'imaginaire collectif, ont pour fonction précise de camper son image de mosntre. Carrier cristalise en soi les "grandes mesures" et la Terreur au quotidien". (page 227)
Tout le monde a entendu parlé de ses "noyades", de ses "mariages républicains" et de ses "orgies" dont l'auteur démontre qu'elle ont sans doute été aussi réelles sous la Terreur qu'exagérées ensuite par la réaction Thermidorienne
De son côté Carrier organise sa défense sur les "circonstances exceptionnelles", justifiant les moyens par leur fin et la Terreur comme une conséquence de la menace contre-révolutionnaire (notamment la guerre de Vendée) :
"La République doit donc asumer la responsabilité de ses actes et leurs conséquences. En persécutant ceux qui ont exécuté ses ordres, la Convention se fait un procès à elle-même". (page 237)
Il ne coupera pourtant pas à l'échafaud (où il mourra avec une certaine noblesse), car
"Le monopole de la parole, détenu par les Jacobins pendant la Terreur, est définitivement brisé. (...) La parole jacobine ne représente plus l'instance idéologique, comme c'était le cas pendant la Terreur. Elle prétend toujours être légitimée par le peuple, mais cette prétention creuse est tournée en dérision." (page 244)
Ce retournement de l'opinion est amplifiée par la montée en puissance des "muscadins", cette "jeunesse dorée" qui s'engouffre dans le vide laissée par l'effacement des Jacobins et de Sans-Culottes des rues de Paris. Il règnent sur les cafés, donnent du baton... Ils seraient 2000 à 3000 dans Paris.
Le livre de Baczko est réellement passionnant dans son analyse des mécanismes (il s'agit bien de cela) qui président aux constrcutions puis aux retournements idéologiques de l'An II. J'avoue que je redécouvre le livre, sa cohérence et la puissance de son propos, car il n'est jamais "à charge". Il n'est pas question de "pages noires de la Révolution" mais de compréhension des enjeux idéologiques et de leurs conséquences. C'est fascinant, car toute les manipulations de l'opinion sont décortiquées, expliquées... Il est clair que j'étais passé à côté de beaucoup de choses quand je l'avais lu alors, que je n'avais que 28 ans. Je suis peut-être devenu un vieux con, mais j'ai l'impression aussi de mieux comprendre désormais ce que je lis.
Le prochain chapitre porte sur "Le peuple vandale" :
"Car la révolution, héritière des Lumières, n'avais pas seulement conduit à la "tyrannie", elle avait également engendré une monstruosité qui contredisait à la fois ses origines et ses objectifs et qu'elle voulait à jamais bannir : le vandalisme". (page 254).
(à suivre)... Il me reste encore 100 pages.