Au Danemark, dès le 8e siècle, il existe un royaume "centralisé" (autant qu'un royaume pouvait l'être au 8e siècle en Occident, a fortiori dans les "déserts glacés" du Nord) puisque c'est dans les années 730 que fut construit le Dannevirke, un rempart de terre, de bois et de pierre, barrant l'isthme du Jutland (un peu plus bas que la frontière actuelle avec l'Allemagne)
Que nous apprend la construction d'une sorte de limes à la danoise aux alentours de 730?
Tout d'abord qu'il existait là un royaume structuré et non pas seulement un conglomérat de pêcheurs-pirates attardés.
Ensuite, que ce royaume structuré était menacé par le monde germanique; d'abord saxon puis plus particulièrement franc avec l'expansion carolingienne. Par la suite, au 10e siècle, le roi Harald à la Dent Bleue doit encore guerroyer dans l'actuel Holstein pour faire face au grand empereur germanique Othon. Il en profite pour "moderniser" le Dannevirke tant la menace au Sud est réelle.
Alors c'est facile de dire que les pauvres Carolingiens étaient agressés par les barbares du Nord. C'est dû au caractère univoque des sources écrites. Si des sources danoises nous étaient parvenues, elles auraient sans doute raconté la même histoire que les moines mais à front renversé (les gentils danois pacifiques contre les Francs cruels et démoniaques)
Bref, tous ces débats sur l'opposition barbares / civilisés sont vieux comme l'Histoire et comme l'humanité. Ce qui est amusant, c'est que certains considèrent odieuse toute historiographie qui présente les "Occidentaux" (pour faire simple) comme civilisés face aux barbares du reste du monde mais trouvent le même schéma très juste dès lors que les rôles sont inversés.
L'Alexiade est un récit partial, produit d'une culture qui se considérait supérieure à toutes les autres et pour qui l'Autre était par définition et par essence un barbare. Mais que l'Alexiade daube les Croisés et cela deviendrait presque un ouvrage d'ethnologie d'une grande objectivité?
De même, Al Sulami et les autres chroniqueurs arabes qui glosent sur les "barbares d'Occident" sont dans le même shéma mental que les auteurs latins qui déblatèrent sur la barbarie des Infidèles. Dans les deux cas, la raison est pour beaucoup le mépris de l'Autre et la volonté de le déshumaniser pour mieux justifier la violence de son propre "camp".
Mais bon, si l'auteur est "pro-croisés", il est de parti pris mais si l'auteur est musulman et vomit l'Occident, il est simplement lucide et "c'est peut être qu'il y a une bonne raison". C'est drôle ce deux poids deux mesures.
Bref, pardon pour la tartine...et lisez "les Vikings", de Régis Boyer. Tout n'est pas juste mais on y rectifie quelque peu les habituels clichés sur les plus grands marins de l'époque.