Début Mai 1940
La drôle de guerre va s'achever, une autre guerre va commencer, mais l'armée française ne le sait pas encore.
Deux millions deux cent mille hommes déployés, une réserve de six cent mille hommes dans l'Empire colonial, près de trois cent mille britanniques du BEF
(british expeditionary force).
L'armée française auréolée de sa victoire de 1918, la meilleure armée du monde qui sut tenir tête aux allemands durant quatre longues années au prix
d'un million trois cent mille morts et un nombre incalculable de marqués à vie par leurs blessures.
Elle attend...
Après un hiver terriblement froid marqué par des escarmouches sans grande importance, l'irruption du printemps laisse augurer une offensive allemande.
Elle est prête à le recevoir.
Elle n'a pas tellement changé depuis sa victoire.
Son commandement était il inconscient ? Oui sans doute...
Inepte ? Je l'ai longtemps cru, mais ...non, compétent pour mener la guerre à laquelle il s'attendait, comme presque tout le monde chez les alliés d'ailleurs
(des voix dissonantes comme De Gaulle, Fuller ou Liddel Hart étaient exceptionnelles, et l'outil dont disposait De Gaulle dans sa contre attaque n'était pas adapté au type de combat qu'il aurait voulu mener).
La raison se trouvait probablement dans la bataille cataclysmique (dont Walter Vejdo a tiré un très beau wargame Verdun 1916 Steel inferno)
de Verdun, que l'armée française mena seule pendant dix mois qui lui couta 400 000 morts)
"Le feu" de Henri Barbusse a marqué les français, comme un voyage au bout des enfers.
Par contre le livre de son homologue allemand Erich Maria Remarque "à l'ouest rien de nouveau" a été en partie ignoré en Allemagne.
les ex combattants allemands ont fait passer leur désir effréné de revanche devant les horreurs vécues,
les ex poilus, parce qu'ils furent vainqueurs, ont fait de la guerre le mal qu'il faut éviter à tout prix.
Le commandement est lui aussi convaincu qu'un autre Verdun n'est pas envisageable, n'est pas soutenable.
Les leçons de Verdun (le champ de bataille était un ensemble de forts reliés entre eux par des tranchées) ont été tirées:
La Ligne Maginot, la plus incroyable des fortifications modernes érigées par l'homme, est née de ces leçons.
L'armée française est prête à mener une guerre défensive.
Des blindés en grand nombre sont fabriqués, mais ce sont essentiellement des chars conçus pour appuyer l'infanterie ou pour avancer sur de courtes distances, exigeant d'être réapprovisionnés fréquemment, sans radios.
Il y a une autre raison à cette doctrine défensive:
Le commandement n'a connu qu'une guerre de tranchées (si l'on excepte la guerre de mouvement des mois de 1914).
Pour lui, la 1ere guerre mondiale, ce fut ça.
Les allemands ont connu autre chose:
les rapides percées sur le front de l'est, une guerre mobile contre un adversaire plus nombreux, qu'ils ont remporté.
Même les britanniques ont eu une expérience de guerre de mouvement au Moyen Orient, en Irak et dans les provinces turques (futures Palestine, Jordanie et Liban).
Sur le plan politique
la France manque un moment décisif en 1936 :
Hitler réoccupe la Rhénanie contrevenant aux traités conclus, un véritable bluff, car il ne possède alors qu'un embryon d'armée.
Si l'armée française était alors entrée en Rhénanie pour en chasser les allemands...qui sait ?
Outre la perte de crédit international pour la France et la popularité immense donnée à Hitler,
cela va engendrer un problème stratégique majeur:
La Belgique, désormais en contact direct avec l'Allemagne, redevient neutre.
L'armée française se trouve alors dans une situation insoluble:
Si Hitler envahit la Belgique, elle aura deux possibilités aussi inconfortables l'une que l'autre:
se voir débordée par les allemands par le Nord Est, rendant inefficace l'atout défensif de la ligne Maginot...
Ou entrer en Belgique pour affronter l'armée allemande en terrain découvert pour l'essentiel, une guerre pour laquelle ses matériels et ses doctrines ne sont pas faits.
L'impossibilité de venir en aide à la Pologne envahie en 1939 fut aussi la conséquence d'une stratégie purement défensive.
Gamelin n'était pas incompétent, rigide peut être, très conservateur sûrement, il fut porté surtout à faire de la grande stratégie, son choix d'aller en Belgique
soutenir l'armée belge était cohérent politiquement.
Mais la guerre n'était pas qu'affaire de grande stratégie, elle est aussi une question de grande tactique et d'opérations.
Sur ces points des choix avaient été fait depuis longtemps, l'outil était fait pour un type de guerre, pas celui qu'allaient mener les allemands...
Ce jeu est extraordinairement asymétrique
French front 1940 de Carl Paradis est un wargame unique en son genre pour ce sujet,
il rend compte de dynamiques différentes d'une façon efficace et montre que la victoire éclair allemande n'était pas inévitable.
Un grand jeu, le meilleur de la série "No Retreat" selon moi.
Au fond, ce CR, pour répondre à la question qui me tient à coeur:
la France aurait elle pu tenir ?
La drôle de guerre va s'achever, une autre guerre va commencer, mais l'armée française ne le sait pas encore.
Deux millions deux cent mille hommes déployés, une réserve de six cent mille hommes dans l'Empire colonial, près de trois cent mille britanniques du BEF
(british expeditionary force).
L'armée française auréolée de sa victoire de 1918, la meilleure armée du monde qui sut tenir tête aux allemands durant quatre longues années au prix
d'un million trois cent mille morts et un nombre incalculable de marqués à vie par leurs blessures.
Elle attend...
Après un hiver terriblement froid marqué par des escarmouches sans grande importance, l'irruption du printemps laisse augurer une offensive allemande.
Elle est prête à le recevoir.
Elle n'a pas tellement changé depuis sa victoire.
Son commandement était il inconscient ? Oui sans doute...
Inepte ? Je l'ai longtemps cru, mais ...non, compétent pour mener la guerre à laquelle il s'attendait, comme presque tout le monde chez les alliés d'ailleurs
(des voix dissonantes comme De Gaulle, Fuller ou Liddel Hart étaient exceptionnelles, et l'outil dont disposait De Gaulle dans sa contre attaque n'était pas adapté au type de combat qu'il aurait voulu mener).
La raison se trouvait probablement dans la bataille cataclysmique (dont Walter Vejdo a tiré un très beau wargame Verdun 1916 Steel inferno)
de Verdun, que l'armée française mena seule pendant dix mois qui lui couta 400 000 morts)
"Le feu" de Henri Barbusse a marqué les français, comme un voyage au bout des enfers.
Par contre le livre de son homologue allemand Erich Maria Remarque "à l'ouest rien de nouveau" a été en partie ignoré en Allemagne.
les ex combattants allemands ont fait passer leur désir effréné de revanche devant les horreurs vécues,
les ex poilus, parce qu'ils furent vainqueurs, ont fait de la guerre le mal qu'il faut éviter à tout prix.
Le commandement est lui aussi convaincu qu'un autre Verdun n'est pas envisageable, n'est pas soutenable.
Les leçons de Verdun (le champ de bataille était un ensemble de forts reliés entre eux par des tranchées) ont été tirées:
La Ligne Maginot, la plus incroyable des fortifications modernes érigées par l'homme, est née de ces leçons.
L'armée française est prête à mener une guerre défensive.
Des blindés en grand nombre sont fabriqués, mais ce sont essentiellement des chars conçus pour appuyer l'infanterie ou pour avancer sur de courtes distances, exigeant d'être réapprovisionnés fréquemment, sans radios.
Il y a une autre raison à cette doctrine défensive:
Le commandement n'a connu qu'une guerre de tranchées (si l'on excepte la guerre de mouvement des mois de 1914).
Pour lui, la 1ere guerre mondiale, ce fut ça.
Les allemands ont connu autre chose:
les rapides percées sur le front de l'est, une guerre mobile contre un adversaire plus nombreux, qu'ils ont remporté.
Même les britanniques ont eu une expérience de guerre de mouvement au Moyen Orient, en Irak et dans les provinces turques (futures Palestine, Jordanie et Liban).
Sur le plan politique
la France manque un moment décisif en 1936 :
Hitler réoccupe la Rhénanie contrevenant aux traités conclus, un véritable bluff, car il ne possède alors qu'un embryon d'armée.
Si l'armée française était alors entrée en Rhénanie pour en chasser les allemands...qui sait ?
Outre la perte de crédit international pour la France et la popularité immense donnée à Hitler,
cela va engendrer un problème stratégique majeur:
La Belgique, désormais en contact direct avec l'Allemagne, redevient neutre.
L'armée française se trouve alors dans une situation insoluble:
Si Hitler envahit la Belgique, elle aura deux possibilités aussi inconfortables l'une que l'autre:
se voir débordée par les allemands par le Nord Est, rendant inefficace l'atout défensif de la ligne Maginot...
Ou entrer en Belgique pour affronter l'armée allemande en terrain découvert pour l'essentiel, une guerre pour laquelle ses matériels et ses doctrines ne sont pas faits.
L'impossibilité de venir en aide à la Pologne envahie en 1939 fut aussi la conséquence d'une stratégie purement défensive.
Gamelin n'était pas incompétent, rigide peut être, très conservateur sûrement, il fut porté surtout à faire de la grande stratégie, son choix d'aller en Belgique
soutenir l'armée belge était cohérent politiquement.
Mais la guerre n'était pas qu'affaire de grande stratégie, elle est aussi une question de grande tactique et d'opérations.
Sur ces points des choix avaient été fait depuis longtemps, l'outil était fait pour un type de guerre, pas celui qu'allaient mener les allemands...
Ce jeu est extraordinairement asymétrique
French front 1940 de Carl Paradis est un wargame unique en son genre pour ce sujet,
il rend compte de dynamiques différentes d'une façon efficace et montre que la victoire éclair allemande n'était pas inévitable.
Un grand jeu, le meilleur de la série "No Retreat" selon moi.
Au fond, ce CR, pour répondre à la question qui me tient à coeur:
la France aurait elle pu tenir ?