Bon, je viens de terminer le livre, reçu en cadeau y a plus d'un an, mais dans lequel je n'avais pas encore eu le temps de me plonger.
Mon avis :
Avec « Une histoire moderne des croisades », l'historien britannique Jonathan Phillips propose une vision globale de l'histoire des croisades et de son influence profonde sur les relations entre le monde occidental et le monde arabo-musulman.
Le livre déroule tout d'abord l'histoire factuelle des croisades franques vers la Terre Sainte, de manière synthétique, mais néanmoins précise. Les motivations des Croisés sont ainsi analysées en seulement 5 pages alors que des auteurs comme Jean Flori y ont consacrés récemment des ouvrages entiers. Le récit des différentes croisades est assez bref, mais il est très bien écrit et présente de manière efficace et compréhensible les enjeux stratégiques de chacune. Jonathan Phillips choisit par ailleurs de mettre en avant un certain nombre personnages emblématiques qui chacun à leur manière font prendre des virages radicaux à l'idée de croisade : Mélisende, Richard Cœur de Lion, Frédéric III et Saint Louis d'un côté, Saladin et Baybars de l'autre.
L'ouvrage fait par ailleurs preuve d'une certaine originalité en mettant systématiquement en perspective l'histoire des croisades stricto sensu (vers le Levant) avec un spectre plus large d'opérations militaires en Espagne, dans la Baltique ou contre les Cathares. Philips s'attache aussi à démêler les conséquences, dans le déroulement des croisades, de la lutte d'influence entre l'Eglise et la Papauté d'un côté et les souverains séculiers européens de l'autre.
Enfin, c'est probablement dans ses derniers chapitres qui portent sur « l'ombre des croisades » sur l'histoire mondiale que l'auteur se montre le plus novateur. Son analyse porte sur la persistance, le prolongement ou le détournement de l'image des croisades à travers les siècles et les continents. Critiquée et rejetée avec véhémence au XVIIIe siècle, le concept de croisade fait un retour en force en Occident au XIXe siècle, tant dans les romans de Walter Scott que les expéditions militaires françaises en Algérie (sous Charles X) ou en Syrie (sous Napoléon III), les campagnes anglaises de Gordon au Soudan ou le voyage du Kaiser Guillaume II à Jérusalem. Dans la première moitié du XXe siècle la quasi-totalité du monde musulman passe d'ailleurs sous les coupe des puissances occidentales, donnant naissance par ricochet à un nationalisme arabe tout d'abord laïc (Nasser, Assas, ou Saddam Hussein) puis récemment de plus en plus religieux et inspiré par le jihad.
L'histoire des croisades de Jonathan Phillips est in fine « moderne » parce qu'elle nous invite, dans la lignée des recommandations politiques de Churchill, à nous éveiller au passé pour éviter des catastrophes futures : « les événements qui se déroulèrent en tant de lieux et qui impliquèrent tant de millions d'individus se sont inscrits dans la conscience de l'Occident chrétien et du Proche-Orient musulman. Etant donné la nature intrinsèque du jihad dans l'islam, ils ne disparaîtront jamais, mais la croisade a pris fin (…) Depuis des siècles nous ne connaissons plus que l'ombre des croisades et non leur vraie forme ».