Le Moyen Âge une imposture

Cruchot, tu me rappelles de vieilles lectures qui me passionnèrent à l'époque.
Et notamment cette formule de Louis Pauwels "Il y a un temps pour tout, il y a même un temps pour que les temps se rejoignent"...Une des grandes théories de Pauwels et Bergier dans le très maudit "Matin des Magiciens" voulait que l'alchimie soit le conservatoire d'une antiquissime science issue d'une civilisation disparue. Et c'est vrai que beaucoup de découvertes scientifiques semblent être plutôt des redécouvertes. C'est aussi une idée "fulcanellienne" d'ailleurs.

A défaut de "faire sérieux", je trouve la théorie merveilleusement poétique.

A part ça, tout va bien et non je ne suis pas fou
:giro:

"le matin des magiciens", j'ai oublié de quoi ca parle, ca fait bien 20 ans que je l'ai lu. A relire, car je me souviens que cela m'avait plu à l'époque.

Le Matin des Magiciens parle d'énormément de choses.

Mais pour faire simple, et de mémoire car je l'ai moi aussi lu il y a une quinzaine d'années maintenant, il y a toute une partie sur l'alchimie et l'existence hypothétique de "super-civilisations" antédiluviennes et toute une autre sur le Mal, avec un grand "M", illustré par le versant ésotérique du nazisme (de la Golden Dawn d'Alistair Crowley à la société secrète Thulé en passant par d'autres qui ne me reviennent pas tout de suite). Il y avait aussi une 3e partie dont le thème général ne me revient pas.

Néanmoins, et même si un certain nombre d'affirmations posées par le livre étaient fantaisistes ou déjà dépassées il y a 15 ans, l'ouvrage fourmille d'idées. Il y a notamment toute une réflexion sur le rôle de l'historien et sur les thèmes méprisés par l'historiographie comme justement l'ésotérisme. L'ésotérisme fait pourtant partie de l'histoire culturelle de l'humanité mais c'est un thème trop sulfureux pour un chercheur voulant passer pour raisonnable expliquent les auteurs qui reprochaient en gros au système académique de faire pression sur les chercheurs en herbe pour qu'ils ne sortent pas des sentiers battus. Je crois que ces critiques sur le confirmisme du milieu académique, toutes disciplines confondues, restent pour leur part assez valables 40 ans après.

Je crois que ces critiques sur le confirmisme du milieu académique, toutes disciplines confondues, restent pour leur part assez valables 40 ans après.

Simple question, la rotondité de la terre et l'héliocentrisme : une trouvaille de la Renaissance :-?: Il y a déjà le modèle d'Héraclite (je n'ai pas mes sources sous les yeux donc nom ortho approximatifs), de plus les hommes de l'antiquité comme du moyen-âge sont des astro(logues)nomes patentés.
Ensuite, il faut réfléchir à la mentalité et la vie de l'époque :"quelle différence cela apporte-t-il à l'existense du bipède moyen de savoir que la terre est ronde ou plate sachant que son rayon d'action ne dépasse guère 2000 km pour les plus hardis, 50km pour la grande masse.
Idem pour l'héliocentrisme, peu importe qui tourne autour de l'autre, les grandes calamités du paysan sont toujours l'hiver, le printemps, l'été et l'automne.

Les hommes médiévaux, AMHA, sont des pragmatiques, religieux mais parfois décalés, enfin ils bâtirent des cathédrales (du moins en France) qui laissent toujours rêveur (même les experts se demandent comment elles tiennent debout :roi2: ).

j'ai commencé hier, le livre, histoire de coller à cette discussion. au bout de 60 pages, je vois que heers s'attache à définir les causes de la bascule entre ce que l'on appelle le moyen âge et la renaissance.
Au passage, à la fin du chapitre 2, il égratigne L'Automne du Moyen-Âge, de Huizinga, en disant, je cite "Comme tant d'autres de ce genre, le discours séduit et emporte l'adhésion par l'allure très ferme des conclusion. Emaillé de graves erreurs de faits et d'interprétations hasardeuses, ce livre pilote mêlait volontiers d'heureux aperçus sur quelques aspects de civilisation et des parallèles ou rapprochements complètement factices. Huizinga a fait fureur, a fait école; il nous a longtemps fourvoyés sur de mauvaises voies."

Il en "égratignera" d'autres, tu vas voir

Cela étant dit, bien que fan de Jacques Heers, je recommande tout de même la lecture d'Huizinga.
D'abord parce que c'est un beau livre sur un thème et une zone géographique peu abordés (essentiellement les Flandres et la Bourgogne au XIV-XVe siècles), même s'il est comme toute oeuvre historique criticable. Ensuite parce que ça vous permettra de juger par vous mêmes de la pertinence des critiques de Jacques Heeers

j'ai fini le livre de heers. le livre est pas mal même si l'angle d'attaque est de taper sur la "renaissance" et l'époque moderne pour demonter les images du moyen âge. je trouve parfois qu'il est un peu léger quand il s'agit de rectifier la vérité. pas de regret de l'avoir acheté mais je préfere pernoud.

+1! C'est exactement ce qui m' a agacé. Je trouve la démarche de réhabilitation du Moyen Âge tout à fait salutaire mais la méthode regrettable. Au bout du compte, Heers fait un peu la même chose que les auteurs modernes qu'il critique, seule la cible change.
Il me semble que c'est un livre que Heers a écrit avec son coeur plus qu'avec sa tête.
Une sorte d'exception dans sa bibliographie.

Je n'ai pas trouvé qu'il s'agissait d'une "critique" de la Renaissance, mais une critique des historiens qui voient le Nirvana dans la Renaissance, ce qui est tout de même très différent, non ?

C'est vrai. C'est avant tout la critique de la vision historiographique "béate" de la Renaissance et de ce point de vue c'est tout à fait intéressant et légitime. Mais comme souvent dans les ouvrages historiques qui visent à la démythification (en l'occurence de la légende noire du Moyen-Âge), je trouve que transparait quelque chose qui ressort plus de l'affect, par moment, que de la critique.
Cela dit, je l'ai lu il y a plus de 10 ans, c'était la première fois que je lisais un livre de cet auteur et il s'agit aussi d'un "ressenti" personnel. Néanmoins, j'en avais retiré l'impression que Heers à titre personnel et "affectif" n'aimait pas la Renaissance, comme d'autres n'aimaient pas l'Antiquité ou le Moyen Âge, etc...Ce n'était peut-être pas son intention mais au fil des pages se dessinait un portrait très noir de la Renaissance, dont les aspects les plus sombres étaient mis en avant. Bref, la Renaissance servait un peu de marche pied à sa démonstration; ce qui en soi n'est pas illogique puisque c'est la Renaissance qui a "inventé" la légende noire du Moyen-Âge. C'est donc en quelques sortes un retour à l'envoyeur. :croisade: Mais qui ne correspond pas à un certain devoir de neutralité de l'historien, ce me semble. Cela reste malgré tout un excellent souvenir de lecture. J'achète depuis les ouvrages de Jacques Heers les yeux fermés...

Bonjour,

Dans le même sens que Frédéric je dirais au sujet du livre de Jacques Heers que l'auteur ne critique pas fondamentalement la Renaissance en tant que période historique mais simplement sa présentation qui en a été faite tout au long de l'histoire, à commencer par un petit nombre de penseurs italiens, essentiellement romains et toscans pour qui l'intelligence (début de l'ère de la Renaissance) triomphait enfin de l'ignorance (période obscure du "Moyen Age")

Une forme d'alchimie en a été à l'origine : un nationalisme pro-italien, un phénomène de cour et de favoritisme politique (on dirait aujourd'hui de la démagogie et du populisme), un mépris affiché pour toute forme de culture d'inspiration non purement latine (barbares germaniques, gaulois, et grecs byzantins), enfin une volonté évidente tout à la fois de justifier et de promouvoir son rang au service du Prince pour mieux afficher sa supériorité sociale.

D'ailleurs, on peut difficilement taxer Heers de "médiévo-centrisme" depuis son livre "l'histoire oubliée des guerres d'Italie".

Bon analyse...