Je viens de recevoir le wargame Waterloo de Martin Wallace. Bien qu’on en a déjà parlé sur ce forum, je me permet d’ouvrir un autre sujet pour faire une sorte d’ouverture de boîte et par la suite donner mes premières impressions.
Wallace est un auteur connu dans le domaine des jeux de plateau et il est considéré par beaucoup (dont moi) comme un des meilleurs concepteurs de jeu actuel. Il associe deux écoles souvent opposées : L’école américaine et l’école allemande. L'école américaine est basée sur des jeux à thèmes forts et immersifs mais aux mécanismes ludiques souvent compliqués et avec une part importante de hasard. L'école allemande produit des jeux aux mécanismes ludiques simples et élégants avec souvent très peu de hasard mais qui par contre possèdent souvent des thèmes plaqués et peu immersifs. Dans ses jeux Martin Wallace réussit souvent le tour de force d'associer les avantages des deux écoles. Il allie des mécanismes simples d'horloger à des jeux fortement immersifs où les thèmes sont omniprésents et souvent historiques. Il a réalisé principalement deux types de jeux : des jeux de gestion et des jeux de conquête. Du côté gestion ses jeux les plus connus sont Age of Steam (jeu sur la création de voies de chemins de fer) et Brass (jeu sur la révolution industrielle du XIXème siècle en Angleterre). Du côté conquête, les plus connus sont Struggle of Empires (jeu sur les conquêtes coloniales du XVIIème siècle) et Byzantium (jeu sur les guerres au VIème siècle entre perses/arabes/bulgares). Ces deux derniers jeux bien que très fortement ancrés dans la réalité historique (surtout Byzantium) ne sont toutefois pas des wargames mais bien des jeux de plateau. A ma connaissance, Waterloo est le premier "vrai" wargame de Wallace. Wallace étant anglais, il n'est pas surprenant qu'il ait fait le choix de cette bataille.
Wallace est aussi connu pour l’austérité fonctionnelle du graphisme de ses jeux. La carte de Waterloo est donc une carte à zones sur carton épais au graphisme clair mais assez laid. Cependant la première chose qui surprend dans ce wargame est l'utilisation de meeples (petites figurines stylisées en bois très prisées dans les jeux de l'école allemande) pour représenter les différentes unités. Ce qui est à mon avis très raté, c'est que ces meeples sont d'une échelle disproportionnée par rapport à la carte, et cela donne un effet "jeu d'éveil pour un enfant de 3 ans" qui n'est pas des plus réussi pour un wargame. Je pense que de nombreux wargameurs endurcis vont crier à l'hérésie. Mais bon, faut s'y faire, Wallace est un génie de la conception ludique, mais pas de l'esthétique (bien que tout ne soit qu'une question de goûts). Alors au niveau de la mécanique, qu'y a-t-il d'intéressant et de nouveau dans ce jeu ? Et bien l'originalité principale est dans le brouillard de guerre. Celui-ci est généré par le fait que chaque joueur ne sait pas combien d'actions il pourra faire par round (entre 2 et 5). Ce nombre d'actions disponibles est tiré au hasard par le joueur adverse. Celui-ci indiquera au joueur actif que son tour est terminé au moment où il atteindra le nombre d'actions indiqué sur le jeton tiré en secret. C'est assez diabolique car il est difficile de prévoir si la réaction de l'ennemi sera immédiate où si l'on a le temps de mener un attaque puis de fortifier ses positions. Le mécanisme des dégâts est aussi assez original. Pour l'infanterie, il est géré avec un système de cubes présents dans les zones en fonctions des pertes (6 pertes maxi par unité d’infanterie). Ces pertes peuvent se répartir de façons différentes et se transférer d'une unité à l'autre suivant les moments du jeu. Pour l'artillerie, un cube de perte représente une artillerie sans servants. Une artillerie sans servant ne peut plus bouger ni tirer mais peut de nouveau fonctionner si les pertes sont transférées sur une autre unité. Pour éliminer totalement une unité d’artillerie, il faut qu’une unité d'infanterie adverse soit présente dans la zone, une unité de cavalerie ne détruisant pas la batterie mais seulement les servants (à Waterloo, après avoir capturé des batteries anglaises, la cavalerie de Ney n'a pas pu les endommager et elles ont ensuite été reprises et réutilisées par les anglais). La cavalerie est éliminée au bout de 2 coups et ces dégâts ne sont pas transférables. Pour le reste, les mécanismes sont plus classiques. L'infanterie à 3 formations possibles : mouvement/assaut, défense et carré. La cavalerie n'a pas de formation particulière mais peut charger. L'artillerie est soit en mouvement soit en position de tir. Avec une action, on active une zone (deux si on active un chef qui a un rayon de commandement d’une zone). Les actions possible pour une zone sont : le mouvement au contact (pour rentrer dans des zones de contrôle adverses), le mouvement de réserve (double les distances en mouvement), le tir d'artillerie, l'assaut d'une zone, le changement de formation, le renforcement (transfert de cubes de dommages) et ne rien faire. Le tir d'artillerie se résout avec une table fonction de la distance et d'un jet de dé contre l'infanterie, par des jets de dés à 5 ou 6 contre la cavalerie, par des jets de dés à 6 contre une autre artillerie. Les assauts suivent une séquence un peu complexe qui se résout séquentiellement en 7 étapes en fonction des différentes unités présentent dans la zone de combat (artillerie défensive, cavalerie contre cavalerie, infanterie contre infanterie, cavalerie contre infanterie, cavalerie contre artillerie; infanterie contre artillerie, continuation éventuelle d'une charge de cavalerie). Les différents combats font appels à des jets de dés, des tables, des modificateurs et des tests de moral. Quand on connait Wallace, cette simulation des assauts peut décevoir car elle reste relativement compliquée par rapport à ses mécanismes habituels. Toutefois au final, elle semble assez logique et ne devrait pas rebuter les amateurs de wargames qui sont habitués à des règles bien plus complexes. Les renforts de Blücher sont prévus mais Grouchy reste aux fraises, donc pas de "what if" favorable aux français sur ce sujet. Les conditions de victoire sont vérifiées à chaque tour et sont fonction des pertes ou du contrôle de Mont Saint Jean pour le Français et de Rossomme pour les coalisés.
Au final un wargame vraiment original, même si on avait pu espérer encore mieux de la part de Wallace. Je vous donnerai mes premières impressions de jeu dès que j'aurai bouclé ma première partie.
Pour finir voici un extrait de la note de conception de Wallace. Celui-ci prévient qu'il a plus respecté le fond et le principe de la bataille que la forme précise avec le nombre exact de régiments, etc...
This game is not intended to be an accurate simulation of the battle. In most cases I have gone for design for effect rather than being tied to OBs and ground scales. Each piece does not represent a particular unit. The infantry units do not represent brigades or regiments. I tried going down that road and ended up with too many pieces. However, the overall ratio of units reflects the composition of forces that fought on the day. Other liberties have been taken as well, such as British artillery. Rather than reflect actual numbers I have placed one unit in each front-line area, premised on the fact that Wellington spread his artillery out to support his infantry. This is why British artillery suffers a -1 modifier. The area covered by the map is based on what I could fit onto my standard map size. The Area unit limit is based on what seemed a good number rather than any statistical analysis of how many regiments could fit into an area. All I wish to do is give a flavour of the momentous battle, only time will tell if I have succeeded in that.
L'adresse du site de Wallace où on peut commander son jeu (sans aucun intérêt commercial ni copinage de ma part) : http://www.warfroggames.com/index.html