Y a-t-il des exemples de chefs d'Etat vainqueurs qui n'ont pas cherché à abaisser le vaincu? Si oui, ils ne doivent pas être bien nombreux.
Je ne dis pas que Clémenceau a eu tout bon et que le Traité de Versailles a été une réussite, il faudrait être aveugle. Encore que la 2e GM est surtout due à la politique d'apaisement des Franco-Anglo-Américains face à Hitler, à qui ils auraient pu
imposer le respect du Traité de Versailles.
Ce que je veux dire, c'est que dans le contexte régnant au moment des négociations, on voit mal comment Clémenceau aurait pu exiger moins. Que je sache, en 1871, la Prusse a bien cherché elle aussi à "abaisser la France" et d'une manière générale, le vainqueur d'une guerre cherche à abaisser son ennemi: d'abord parce que c'est en général l'objectif premier de la guerre, ensuite dans l'esprit de se prémunir d'un retour offensif (Carthago delenda est,...).
Si on veut jouer à reporter les responsabilités des uns sur les autres, on pourrait donc argumenter que c'est la paix injuste et humiliante de 1871 qui est la source de l'esprit revanchard français qui aboutit à l'injuste diktat versaillais qui lui-même favorise l'émergence de Hitler et l'apocalypse finale. Et c'est Bismarck qui se retrouve responsable de 39-45...Un peu provoc' comme raisonnement mais à peine plus que celui qui fait de Clémenceau le "géniteur par ricochet" du 3e Reich. Je note d'ailleurs que cette idée en effet communément admise a été développée au moment de la construction européenne afin de dédouaner pour partie, voire intégralement, l'Allemagne et les Allemands du nazisme et de les rendre plus fréquentables et même "aimables".
Pour en revenir à Versailles 1919, la Prusse de Bismarck nous avait imposé des réparations exorbitantes elle aussi en 71, ce qui explique pour partie l'acharnement de Clémenceau à obtenir à son tour de massives réparations d'autant plus justifiées dans leur esprit que la guerre et les destructions en découlant avaient eu lieu sur le territoire français et non en Allemagne.
Bref, Clémenceau avait sans doute tort mais il ne pouvait pas le deviner (c'est évidemment plus facile pour nous qui connaissons la suite du film, la crise de 29 et ses suites, et c'est le travers habituel des jugements portés sur les acteurs de l'Histoire). Et au-delà de l'appréciation que l'on porte sur l'action de Clémenceau (dont je ne suis pas un fan hardcore), ce qui m'a agacé c'est le ton "indigné" du présentateur.
Il avait du mal à avaler le fait que Clémenceau ait été pret à faire marcher les troupes jusqu'à Berlin. Encore une fois, dans le contexte, ça parait normal (d'ailleurs au départ Guillaume II pensait bien pousser jusqu'à Paris
).
Enfin, la germanophobie certaine du Tigre semblait bien entendu nauséabonde au présentateur. N'étant pas germanophobe, je ne chercherai pas à faire l'apologie du nationalisme haineux mais si l'on considère le fait que Clémenceau avait vécu le traumatisme de 1870-71, l'humiliation nationale, les réparations payées rubis sur l'ongle et qui mettent le pays financièrement à genoux, les développements d'un pangermanisme foncièrement anti-français qui de facto faisait de l'Allemagne une menace pour la France au moins autant que celle-ci était une menace pour l'Allemagne, on comprend l'obsession anti-allemande du personnage. Or le travail d'un historien est de comprendre plus que de juger, non?
Pardon pour la tartine et encore une fois, j'ai trouvé le docu très instructif