Si mes souvenirs sont bons, c'est pourtant bien Théodose qui interdit un certain nombre de fêtes païennes, comme les Saturnales ou les Jeux Olympiques. De plus, pour imposer ces interdictions, il a bien fallu réprimer le mécontentement des païens. Dans ces conditions, ces nuances entre "soutien au christianisme" opposé à "promotion du christianisme" me semblent un peu artificielles.
Je reprend dans ma réponse les arguements développés par Maraval. Pour lui Théodose est un politique pas un religieux, son rôle est indépendant de celui de l'église. Il agit dans l'intérêt de l'Etat (pas de l'église) tout en étant chrétien (et pas païen ou Juif).
- Théodose part du constat que le christianisme est désormais majoritaire (même chez les Goths) et est devenu la "nouvelle forme de romanité". Il prend la mesure de son temps
- l'empereur se préoccupe de la paix civile dans son empire, il n'est ni prosélyte (il ne force personne à se convertir), ni en charge de développer l'église
- il demande à l'Eglise de régler ses problèmes interne via le concile de Constantinople (pour éviter les troubles)
- il interdit les cérémonies païennes publiques (sacrifices notamment) car elles sont sources de troubles (le jeux Olympiques c'est pas lui et c'est plus tard), il n'interdit pas aux païens de rester païens. Il conserve de nombreux païens dans son entourage et parmi ses conseillers, il leur confie l'éductation de ses enfants. Il interdit aussi les cérémonies païennes privés, mais ne prévoit aucune sanction.
Au passage il note l'agressivité très marquée des païens d'Alexandrie (très idéologues) et leur responsabilité dans les troubles de la ville, alors que les païens de Rome sont plus simplement motivés par une nostalgie sentimentale des leurs traditions. Pour prendre un exemple actuel, ses mesures ne sont pas éloignées dans l'esprit de celle - contemporaine - de l'interdiction de la Burqa : -> éviter ce qui dérange l'opinion (ce qui n'a rien à voir, dans les deux cas, avec promouvoir le christianisme)
Le Judäïsme a un statut à part - depuis toujours - dans l'Empire. Il conserve les même droits. Théodose fait même condamner des moines qui on détruit une synagogue
Par ailleurs dans les lois sur l'adultère ou l'homosexualité, Maraval démontre que Théodose est guidé avant tout par les valeurs traditionnelles romaines (très rogoriste depuis les origines de l'Urbs).
Je ne pense pas que cela soit "artificiel". Maraval montre que les choses évoluent lentement, que Théodose n'a pas été source de rupture majeure et qu'il faudra attendre Léon Ier, par exemple, pour voir une empereur sacré dans une église et Justinien pour voir des lois promouvant le baptème.
Sur Jerphagnon, je l'aime beacoup aussi. J'ai son "Histoire Romaine", son "Le divin césar" et son "Julien dit l'Apostat" à la maison. On avait déjà évoqué le fait, dans un autre sujet qu'il avait longtemps été guidé par son côté "libre penseur", par une volonté d'abaisser Théodose ou Constantin pour réhausser Julien (ce que Maraval ne fait pas en sens inverse). Sur ce point Jerphagnon a largement évolué depuis son récent
"La tentation du Christianisme" écrit avec Luc Ferry dont voilà la 4e de couve :
" Scandale pour les Juifs ; folie pour les Grecs voilà comment saint Paul désignait le christianisme. Contre la Loi des Juifs et la Raison des philosophes, il entendait plaider en laveur du salut par une foi plus forte que la mort. Comment expliquer que ce scandale et cette folie aient pu se développer, gagner et finalement s'imposer dans l'Empire romain à partir de Constantin ? Comment le christianisme a-t-il fait pour passer du statut de secte à celui de Civilisation ? Luc Ferry et Lucien Jerphagnon unissent ici leurs forces et leurs savoirs pour tenter de répondre à ces questions cruciales. Ils identifient ainsi les sources et la teneur originelle d'un héritage indispensable pour qui veut comprendre non seulement les racines, mais aussi la nouveauté de la culture contemporaine. " J'adore l'aspect "reverse la vapeur de Julien" et au contraire "continuité vers l'avenir" chez Théodose
Je pense qu'Allallalaï a raison sur ce point. Au regard des réalités de leurs temps (le contexte, l'évolution des mentalités, l'opinion publique, les réalités politiques), Julien est un réactionnaire et Théodose un progressiste. Pas seulement sur les aspects religieux, mais aussi d'un point de vue militaire. Julien veut imiter Alexandre, Théodose est beaucoup plus pragmatique, usant de la force et de la diplomatie, joaunt avec les réalités barbares.
Tout cela n'empêche pas Maraval de dire que le règne de Théodose n'a aucune "flamboyance". Il reste très mesuré et je trouve très intelligent dans son analyse.
S'il est brillant et pragmatique, Théodose est beaucoup moins "fascinant" que Julien. Bien moins spectaculaire...