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Théodose le Grand (de Pierre Maraval)

4 participants

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Allalalai

Allalalai

C'est un personnage qui pour moi est un paradoxe, énigmatique et décidé, d'Occident et tourné vers l'Orient...un grand empereur, je le compare à Julien en grandeur, mais pas pour les mêmes raisons. J'adore l'aspect "reverse la vapeur de Julien" et au contraire "continuité vers l'avenir" chez Théodose.
Pour moi Théodose est influencé par les factions radicales du christianisme mais parce qu'il le souhaite et y voit un ferment d'union de l'empire et une sécurité contre les multiples interprétations de cette foi seul ciment possible de l'empire.
Sa décision d'installer les barbares marque sa volonté de "vivifier" les forces d'un Empire malade, et se plus grande erreur peut-être à terme (pas de jugement pour ça).
Ce qui me marque c'est sa politique de fin du paganisme, et en fait de fin avec l'héritage gréco-latin pour celui chrétien.
J'aime ce type de personnage confronté à des choix cornéliens.

tyrkir

tyrkir

Tout à fait d'accord sur le côté passionnant et même fascinant du personnage et de son époque, Allalai

Semper Victor

Semper Victor

Si mes souvenirs sont bons, c'est pourtant bien Théodose qui interdit un certain nombre de fêtes païennes, comme les Saturnales ou les Jeux Olympiques. De plus, pour imposer ces interdictions, il a bien fallu réprimer le mécontentement des païens. Dans ces conditions, ces nuances entre "soutien au christianisme" opposé à "promotion du christianisme" me semblent un peu artificielles.

Je reprend dans ma réponse les arguements développés par Maraval. Pour lui Théodose est un politique pas un religieux, son rôle est indépendant de celui de l'église. Il agit dans l'intérêt de l'Etat (pas de l'église) tout en étant chrétien (et pas païen ou Juif).

- Théodose part du constat que le christianisme est désormais majoritaire (même chez les Goths) et est devenu la "nouvelle forme de romanité". Il prend la mesure de son temps
- l'empereur se préoccupe de la paix civile dans son empire, il n'est ni prosélyte (il ne force personne à se convertir), ni en charge de développer l'église
- il demande à l'Eglise de régler ses problèmes interne via le concile de Constantinople (pour éviter les troubles)
- il interdit les cérémonies païennes publiques (sacrifices notamment) car elles sont sources de troubles (le jeux Olympiques c'est pas lui et c'est plus tard), il n'interdit pas aux païens de rester païens. Il conserve de nombreux païens dans son entourage et parmi ses conseillers, il leur confie l'éductation de ses enfants. Il interdit aussi les cérémonies païennes privés, mais ne prévoit aucune sanction. Au passage il note l'agressivité très marquée des païens d'Alexandrie (très idéologues) et leur responsabilité dans les troubles de la ville, alors que les païens de Rome sont plus simplement motivés par une nostalgie sentimentale des leurs traditions.

Pour prendre un exemple actuel, ses mesures ne sont pas éloignées dans l'esprit de celle - contemporaine - de l'interdiction de la Burqa : -> éviter ce qui dérange l'opinion (ce qui n'a rien à voir, dans les deux cas, avec promouvoir le christianisme)

Le Judäïsme a un statut à part - depuis toujours - dans l'Empire. Il conserve les même droits. Théodose fait même condamner des moines qui on détruit une synagogue

Par ailleurs dans les lois sur l'adultère ou l'homosexualité, Maraval démontre que Théodose est guidé avant tout par les valeurs traditionnelles romaines (très rogoriste depuis les origines de l'Urbs).

Je ne pense pas que cela soit "artificiel". Maraval montre que les choses évoluent lentement, que Théodose n'a pas été source de rupture majeure et qu'il faudra attendre Léon Ier, par exemple, pour voir une empereur sacré dans une église et Justinien pour voir des lois promouvant le baptème.

Sur Jerphagnon, je l'aime beacoup aussi. J'ai son "Histoire Romaine", son "Le divin césar" et son "Julien dit l'Apostat" à la maison. On avait déjà évoqué le fait, dans un autre sujet qu'il avait longtemps été guidé par son côté "libre penseur", par une volonté d'abaisser Théodose ou Constantin pour réhausser Julien (ce que Maraval ne fait pas en sens inverse). Sur ce point Jerphagnon a largement évolué depuis son récent "La tentation du Christianisme" écrit avec Luc Ferry dont voilà la 4e de couve :

" Scandale pour les Juifs ; folie pour les Grecs voilà comment saint Paul désignait le christianisme. Contre la Loi des Juifs et la Raison des philosophes, il entendait plaider en laveur du salut par une foi plus forte que la mort. Comment expliquer que ce scandale et cette folie aient pu se développer, gagner et finalement s'imposer dans l'Empire romain à partir de Constantin ? Comment le christianisme a-t-il fait pour passer du statut de secte à celui de Civilisation ? Luc Ferry et Lucien Jerphagnon unissent ici leurs forces et leurs savoirs pour tenter de répondre à ces questions cruciales. Ils identifient ainsi les sources et la teneur originelle d'un héritage indispensable pour qui veut comprendre non seulement les racines, mais aussi la nouveauté de la culture contemporaine. "


J'adore l'aspect "reverse la vapeur de Julien" et au contraire "continuité vers l'avenir" chez Théodose

Je pense qu'Allallalaï a raison sur ce point. Au regard des réalités de leurs temps (le contexte, l'évolution des mentalités, l'opinion publique, les réalités politiques), Julien est un réactionnaire et Théodose un progressiste. Pas seulement sur les aspects religieux, mais aussi d'un point de vue militaire. Julien veut imiter Alexandre, Théodose est beaucoup plus pragmatique, usant de la force et de la diplomatie, joaunt avec les réalités barbares.

Tout cela n'empêche pas Maraval de dire que le règne de Théodose n'a aucune "flamboyance". Il reste très mesuré et je trouve très intelligent dans son analyse.

S'il est brillant et pragmatique, Théodose est beaucoup moins "fascinant" que Julien. Bien moins spectaculaire...

http://www.fredbey.com/

tyrkir

tyrkir

Merci pour ces éclaircissements, Semper.

Personnellement, je trouve Théodose fascinant en tant que politique, et j'admets tout à fait la définition "Théodose= progressiste" / "Julien=réactionnaire". Dans le contexte historique, dans la dynamique de l'époque, c'est indéniable. Les païens d'alors cherchent à conserver un monde qui déjà n'existe plus tandis que les chrétiens incarnent un avenir déjà largement présent (houlà, je sais pas où j'ai été la chercher celle-là Smile)
Cela se traduit symboliquement par le fait que la mémoire de Julien est alors "damnée" tandis que celle de Théodose est exaltée.

Je ne conteste pas non plus l'absence de fanatisme de Théodose, son côté pragmatiquement, politiquement chrétien (le christianisme, nouveau ciment de l'Empire, etc...). En gros, le paganisme devient peu à peu anormal dans l'Empire et Théodose entérine un état de fait. Mais même s'il le fait sans haine, comme en témoignent son entourage ouvert aux païens, jusqu'au précepteur de ses enfants (toutes choses très intéressantes que tu m'apprends et qui changent effectivement l'image que je me faisais du personnage), le moins que l'on puisse dire est qu'il réduit dramatiquement le champ des possibles pour les non-chrétiens, juifs exceptés.

En effet, s'il n'interdit pas aux païens de rester païens, il interdit leurs cérémonies publiques et privées (même si pour ces dernières la mesure est purement symbolique). Dans ce cas, que leur reste-t-il en matière de "liberté de culte", pour employer un anachronisme? Il me semble qu'en comparaison, Julien, laisse bien plus de latitude aux chrétiens, bien que fanatiquement anti-chrétien à titre personnel (normal d'ailleurs, puisque Julien est persuadé que les chrétiens sont responsables du nauffrage de la civilisation antique telle qu'il la rêve).

Semper Victor

Semper Victor

Il me semble qu'en comparaison, Julien, laisse bien plus de latitude aux chrétiens, bien que fanatiquement anti-chrétien à titre personnel

Le rapport de force n'était pas le même... Toute proportion gardée (autre anachronisme), c'est comme si Julien devenait président de l'Egypte et voulait s'en prendre aux Musulmans alors que pour Théodose c'était plus facile, c'est comme s'il devait s'en prendre aux Coptes. Julien a essayer d'attiser les divisions entre chrétiens pour les affaiblir, c'ets tout ce qu'il pouait faire vu leur nombre déjà à son époque.

Dans ce cas, que leur reste-t-il en matière de "liberté de culte", pour employer un anachronisme?

Le droit de ne pas être chrétien et de philosopher à leur guise. Il n'y a aucune mesure - à cette époque - obligeant à la conversion. Les écoles philosophiques qui sont l'expression la plus intéressante de la religion traditionnelle restes ouvertes. Ce sont les sacrifices, les augures etc. devenu "choquants" qui sont interdits.

http://www.fredbey.com/

Allalalai

Allalalai

Très bonne analyse Fred de Julien ; en outre il ne peut concrétiser sa stratégie, pris par les guerres pour défendre l'Empire et sa mort soudaine...

Semper Victor

Semper Victor

Il y a une sorte de fuite en avant pour Julien, il doit tellement s'efforcer de marquer les esprits pour réussir qu'il précipite lui-même sa chute.

http://www.fredbey.com/

Allalalai

Allalalai

Oui je pense aussi, et dans le caractère du personnage, sans paraphraser de Gaulle, il est voué à des réussites superbes et des malheurs exemplaires !

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