Je vous avais dit que j'en parlerai lorsque j'ai ouvert le sujet sur le Danton de Wajda.
L'Anglaise et le Duc d'Eric Rohmer est un film très différent mais, selon mes criètères, réellement fabuleux.
Je l'ai revu hier soir et cela a confirmé sa place parmi les tous meilleurs films historiques que j'ia pu voir, toutes catégories confondues.
Sur le fond,le scénario du film est une adaptation directe et fidèle du livre Ma vie sous la Révolution (Journal of My Life During the French Revolution) de Grace Elliott, une jeune aristocrate écossaise ayant vécu à Paris pendant la Révolution. Le film en lui-même va de 1790 (le jour de la Fête de la Fédération, à la chute de Robespierre (1794). Le moins que l'on puisse dire, c'est que le film est très critique sur la Révolution. Il ne s'agit pas pourtant d'un film engagé, Rohmer se contenbte de raconter l'histoire telle que l'a vécu Grace Elliott, en spectatrice engagée pour la cause royaliste. On voit bien son évolution : ancienne maîtresse de Philippe d'Orléans (Philippe Egalité), elle est ouverte aux Réformes éclairées, mais elle devient une ennemie de plus en plus ferme de la Révolution au fur et à mesure que cette dernière se radicalise. De l'enthousiasme de la Fête de la Fédération aux cauchemars de la Terreur, c'est en quelque sorte le fil conducteur du récit.
Le film met en avant deux personnages historiques principaux : Grace Elliott et Philippe d'Orléans, mais on y croise dans les second rôles d'autres personnages historiques important : Biron, Dumouriez, Chabot, Vergniaud et même Robespierre.
On y voit, et c'est aussi très intéressant, les responsables des sections, des officiers subalternes de la Garde Nationale, des sans-culotte comme des aristocrates pourchassés : la Révolution est vue d'en bas, au travers des précoccupations terre à terre de chacun. Le film est plutôt théâtral, avec une majorié de scène intimistes, mais les scènes de foules sont également magnifiques. La traversée de Paris à pied par l'héroïne, le 10 août 1792, est très bien rendue. On y voit un garde Suisse en fuite se faisant lyncher par la foule de façon très "anodine" mais terriblement effrayante. Idem pour les journées de septembre. Le film illustre très bien le côté "vécu" du livre. On est angoissé comme l'héroïne lors des visites/perquisitions à domicile effectuée par les sectionnaires, on se sent transporté dans l'poque et le contexte.
Bref le film nous revoit à une vision très loin des idylliques images d'Epinal sur la Révolution et ses Lumières sans pour autant tomber dans les excès inverses. On perçoit très bien le dilemme des acteurs de la Révolution (notamment de Philippe d'Orléans), la manière dont ils sont broyés par la surenchère permanente des plus radicaux ou par la bêtise et la brutalité nées de la manipulation des foules.
Sur la forme, la réalisation est somptueuse et la "photo" incroyable. Les décors (même les rues) sont peints et incrustés en effets spéciaux d'une manière si parfaite que pour la première fois j'ai eu l'impression de me retrouver dans la Paris du XVIIIe siècle. C'est esthétiquement très réussi et historiquement intéressant, car le procédé permet des vues larges, avec les perspectives et les grands batiments de l'époque. Une partie de l'action se situe également à Meudon, ma ville natale, ce qui n'a pas manqué de me séduire.
Bref un film que je range dans la catégorie des chefs d'ouevre et qui me fait encore plus regretter la récente dispartion d'Eric Rohmer...