Stéphane, voilà quelques remarques complémentaires suscitées par la lecture de ta “blog-critique” (au passage j'ai découvert que nous avions exactement le même avis sur "La Princesse de Montpensier", en dehors de tes remarques sur son physique).
En tout premier lieu, parler pour “
1612” de "propagande" poutinienne me semble très exagéré. Il n'y a guère de différence de point de vue par exemple avec le
Voyna i mir (“Guerre et Paix”) de Sergeï Bondarchuk (qui date pourtant de 1966, donc de l'époque soviétique), à propos de 1812 cette fois. “1612” est effectivement très “pro-russe”, patriotique aurait-on dit il y a 50 ans, “positif” dirait-on aujourd’hui. Il met en avant les valeurs traditionnelles de la Russie (dont l’Orthodoxie, l’esprit de résistance aux envahisseurs etc.). Encore une fois, notons que même à l’époque soviétique, la grandeur historique de la “Russie éternelle” a toujours été mise en scène.
Notons également que cela n’est pas spécifiquement russe. Les récents “
Elisabeth” et “
Elisabeth, l’âge d’or” traitent, avec le même prisme positif, l’histoire de l’Angleterre et les vertus (pourtant bien oubliées depuis) de l’Anglicanisme et du protestantisme. Il n’y a effectivement que pour la France contemporaine que je ne pourrais pas te citer d’exemple de traitement ouvertement “positif” de notre histoire classique.
Malgré ma réputation, le traitement du catholicisme dans ne m’a pas plus gêné dans “
1612” que dans “
Elisabeth” d’ailleurs, car je comprends bien qu’il s’agit de nous montrer le point de vue des Russes de l’époque.
Sur des points de détail sur lesquels tu sembles te poser des questions :
- l’ermite sur sa colonne. Il s’agit d’une tradition des chrétiens orientaux et plus particulièrement des Orthodoxes, dans la filiation de Saint Siméon le Stylite, qui vécut toute sa vie de façon austère, en Syrie, effectuant de longues et récurrentes périodes sans contact avec le monde, notamment perché au sommet d'une colonne (d'où son surnom, stylos = colonne). Chaque jour, des pèlerins venaient lui apporter des victuailles qu'ils hissaient à Siméon par le biais d'une corde soulevant un panier. L'espace dont il disposait au sommet de sa colonne était tout juste suffisant pour se tenir debout ou assis, jamais allongé. Gibbon en parle longuement, et très récemment Giusto Traina en a donné une description très vivante dans son “
428”, une année ordinaire dans l’Empire romain. Il a inspiré au cours des siècles de très nombreux imitateurs et la Russie a cultivé de façon très résiliente cette tradition. Rien de déplacé de retrouver une représentation de ce phénomène dans le film.
- la licorne. C’est l’animal imaginaire le plus important du Moyen Âge et de la Renaissance. La licorne est décrite, comme dans le film, comme un animal sylvestre, symbole de pureté et de grâce. Dans les encyclopédies où sa corne possède le pouvoir de purifier l'eau de tous poisons et de guérir les maladies. Des objets présentés comme d'authentiques « cornes de licorne » s'échangèrent durant ces périodes. Le film encore reprend ici une tradition forte, particulièrement en Russie. Rien de déplacé.
Oui, le film combine histoire, aventure et romance avec des éléments fantastiques (la licorne) et mystiques (l’ermite et le prêtre polonais), mais cela correspond à l’état d’esprit de cette époque. Je trouve qu’il laisse aussi de la place à l’humour, ce qui est appréciable. Quant aux autres qualités du film, tu les as toi même bien repérées.